De spectacles en expositions, de performances en polémiques, Jan Fabre continue de bâtir son œuvre, année après année. Son nouveau spectacle, Mount Olympus, est acclamé partout en Europe, hier en Grèce et en Italie, demain à Bruges : ce spectacle de 24h non-stop, avec 27 acteurs/performeurs/danseurs, fait l’apologie de la tragédie grecque. La scène finale, une danse impressionnante de près de 40mn, concentre toute sa créativité, sa fureur, son outrance, son souffle d’artiste.
Vendredi dernier, Jan Fabre organisait une réception privée dans son immense centre à Anvers, à l’occasion du vernissage de 17 artistes qu’il a lui-même invités.
Profession Spectacle y était. Une exclusivité.
Texte : Pierre GELIN-MONASTIER – Photographies : Rachel VERZA.
À l’entrée, une simple phrase, riche de sens : « Only art will break your heart, only kitsch will make you rich. » Voilà qui résume bien l’esprit de Jan Fabre, ainsi que celui de son Laboratoire : « Troubleyn », nom riche de sens, parce qu’il est celui de sa mère, parce qu’il définit également la vocation d’un artiste qui ne cesse de déranger, partout où il expose, produit, met en scène…
L’artiste a choisi le quartier populaire qui l’a vu naître en 1958, quartier réputé difficile, en bordure du Seefhoek, pour installer son lieu de création : il y répète ses prochains spectacles, y reçoit et expose ses amis…
Conçu en 2007, Troubleyn/Laboratorium est un complexe de près de 2 500 mètres carrés devenu, avec l’aide de la Communauté Flamande et de la ville d’Anvers, le lieu de la création contemporaine à Anvers.
Toute une équipe travaille dorénavant autour de Jan Fabre, entre collaborateurs réguliers, assistants, chargés de production et de diffusion… Un centre de cette envergure est aussi un business, pour un artiste qui a souvent su conjuguer créativité, communication et réseaux.
Ce vendredi 27 novembre, Jan Fabre apparaît tout sourire : il accueille 17 nouveaux artistes de manière permanente, des « amis », nous confie-t-il, qui ont conçu leurs œuvres tout spécialement pour ce lieu hors-du-commun.
La volonté de Jan Fabre est de faire du Troubleyn/Laboratorium un lieu vivant de l’art, et non un musée. Il n’est pas de frontière entre les œuvres exposées et les objets de la vie quotidienne. Les près de 2500 mètres carrés accueillent ainsi deux grandes salles de répétition, une salle de théâtre avec un plateau de 17m sur 12, un bar, des bureaux qui font aussi salles d’exposition, une vaste cour, une cuisine, des loges, des escaliers, et encore des escaliers…
Malgré une nervosité visible, il prend le temps d’échanger avec chacun et remercie un à un les artistes qui ont collaboré à cet événement : ici en dialogue avec le plasticien Stefaan van Akoleyen.
L’apéritif cède rapidement la place à une performance du fameux duo Masbedo, composé de Nicolò Massazza et Iacopo Bedogni. Pour l’occasion, ces artistes polyvalents ont fait appel à deux jeunes musiciens, compatriotes italiens, pour un résultat impressionnant.
Durant le repas, Jan Fabre propose à ses invités un « Walking diner » : un verre en main, nous sommes guidés par petits groupes dans les innombrables couloirs du Troubleyn/Laboratorium, à la découverte des nouvelles œuvres permanentes exposées : inscriptions murales, peintures, installations vidéos…
Outre Masbedo, qui verra sa performance du soir (filmée) présentée de manière continue au Troubleyn/Laboratoirum, seize artistes étaient présentés par Jan Fabre : Federico Fusi, Raimund Hoghe, Fabrice Hyber, Oda Jaune, Tjen Meylemans, Maryam Najd, Javier Pérez, Mikes Poppe, Daniele Puppi, Bernardi Roig, Pjeroo Roobjee, Juliao Sãrmento, Koen Theys, Stefaan van Akoleyen, Vedovamazzei, ainsi que le Français Pascal Rambert.
« Le radeau sert alors à émerger et à survivre sur cette eau. Le métier de l’artiste, son destin, n’est pas solitaire. […] Dans l’autre atelier, l’artiste s’éloigne de sa personnalité publique pour aller se cacher et travailler ‘underground’ dans sa cave avec ses munitions. » (Jan Fabre)
Les projets ne manquent pas pour Jan Fabre… Mais qu’en est-il de sa présence en France ? Aucune date officielle n’a été annoncée pour son nouveau spectacle, Mount Olympus, alors qu’il est déjà programmé dans plusieurs pays européens. En revanche, Attends, attends, attends… (pour mon père), solo créé par l’artiste pour le Français Cédric Charron en 2014, sera donné aux Bains douches de Montbéliard le 19 janvier 2016. Le spectacle sera repris, pour cinq représentations exceptionnelles, au Théâtre de la Bastille, du 9 au 13 mars prochains.
« Nous préparons également un coffret de 18 DVD qui rassemble une grande partie des performances réalisées par Jan Fabre depuis 2001, nous annonce, entre deux verres, son assistante, Sigrid Bousset. Ce sera un bel événement, un important moment dans la carrière de Jan. » La présentation de ce coffret sera officielle en janvier 2016, année qui sera bel et bien faste pour l’artiste âgé de 57 ans et à la soif de créativité inchangée.
« L’artiste est comme le Christ, il se sacrifie pour ouvrir un nouveau monde. L’art est une re-création, une rédemption. La résurrection, après le sacrifice et la mort, permet d’ouvrir de nouveaux champs d’investigation, des voies différentes pour l’humanité… » (Jan Fabre)
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Texte : Pierre GELIN-MONASTIER – Photographies : Rachel VERZA