Mathilde Burucoa : « J’écris par nécessité intime, sociale, politique »
Mathilde Burucoa est autrice, metteure en scène et comédienne. Elle est directrice artistique de la Cie Couverture(s), compagnie subventionnée installée à Livarot (Calvados), où elle réside aujourd’hui. Sa pièce jeune public Erable et Baudruche est publiée aux éditions S-Active en 2018.
Avec sa pièce Du Vide sous les Toits, Mathilde Burucoa est l’invitée des rencontres ALT du mois de mai (les dernières de la saison).
La soirée Emulsion Culturelle, ouverte à toutes et tous, aura lieu à Paris au Pitch Me le vendredi 10 mai. Cette soirée proposera des lectures d’extraits de la pièce Du Vide Sous les Toits ainsi que de multiples propositions artistiques inspirées par celles-ci. Elle sera aussi l’occasion d’obtenir un exemplaire de la pièce, et de s’inscrire à la seconde soirée du mois, nommée Infiltration.
La soirée Infiltration, sur inscription, aura lieu au théâtre Le Tarmac le mercredi 22 mai. Elle réunira les personnes ayant souhaité lire la pièce. Cette soirée sera l’occasion de discuter avec l’autrice dans un cadre intime et convivial, et d’échanger au côté de lecteurs et lectrices curieux.
Rencontre.
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Comment résumerais-tu Du vide sous les toits en quelques mots ?
C’est une pièce qui parle d’utopies. Quatre personnages se rencontrent au sein d’un hangar désaffecté et décident d’y créer un lieu de vie alternatif, isolé du monde, protégé. Cette quête pose les questions suivantes : comment vivre au monde ? Comment y vivre bien, mieux ? Quelle responsabilité et engagement cela implique-t-il ? Dans quelle mesure peut-on vivre isolé, protégé de tout ? Et quel sens cela a-t-il ?
De quoi se compose son ambiance sensorielle ?
Le principal son du texte, c’est le silence. Le vide. Ces quatre personnages sont en quête de vide, d’espace dans la tête, d’espace pour le corps aussi. S’isoler du monde, c’est notamment s’isoler de son bruit effervescent. Puis, l’ambiance est aux couleurs du bois, aux odeurs de forêt, apaisantes.
Y a-t-il eu un élément déclencheur à l’écriture de cette pièce ?
L’isolement est une question qui me taraude depuis longtemps, j’avais écrit un premier texte sur ce thème dès 2011, à la suite de la vague de suicides chez les employés de la Caisse d’Épargne. J’ai décidé de reprendre ce texte en 2015, après les attentats du Bataclan à Paris. L’ambiance très particulière qui régnait à ce moment là a été un vrai déclic pour moi. Pendant plusieurs jours, avec mon équipe [de comédiens, NDLR], nous avons beaucoup discuté sur les sujets de l’isolement, du futur, de la parentalité aussi. Le début de la pièce a vite été clair pour moi : quatre personnages souhaitent s’enfermer car ils ne veulent plus vivre au monde tel qu’ils le connaissent.
Quête d’utopies, organisation collective, rassemblements sociaux d’ampleur… À ton avis, qu’est-ce que ces mouvements disent de notre ère ?
Je ne suis pas sûre. Je ne crois pas qu’on soit dans une époque particulièrement révolutionnaire… Il y a des gros ras-le-bol, mais ceux-ci me semblent séparés les uns des autres. Des alternatives ont été développées, elles commencent à être mises en valeur, à être connues, mais je crois qu’il existe une grande scission entre les différents modes et niveaux de vies, entre les différents rapports à l’argent… La colère qui en émane est immense. Nous sommes sûrement à une époque de prise de conscience. Notre génération cherche peut-être à traduire des choses, déterminée à ne pas rester immobile dans un phénomène de mécontentement stérile. Cependant je reste effarée par la vitesse à laquelle les choses s’essoufflent. Le mouvement #MeToo par exemple a fait grand bruit… Puis nous sommes revenus à de petits cercles de discussions, entre amis, connaissances, entre milieux.
Ne penses-tu pas qu’il puisse s’agir d’un phénomène tel que « moins de parole mais plus d’action » ?
Peut-être sur les rapports homme/femme, oui. Il y a une vraie libération de la parole, qui engendre des changements de comportements. Cependant, je questionne nos rapports aux médias et à l’actualité. Une information médiatique prend la place d’une autre et je me demande comment ne pas stagner entre deux médiatisations. Je crois en l’action citoyenne, en des initiatives telles que Nuit Debout ou celle des Gilets Jaunes ; je souhaiterais ces cercles de réflexions encore plus grands et réguliers.
Partager des réflexions, est-ce ce que tu souhaites faire avec Du vide sous les toits ?
En effet, la pièce provoque la rencontre. À chaque représentation, un espace de discussion est ouvert par la suite. C’est à la fois un choix et une évidence, car cela provoque immédiatement des discussions entre les spectateurs, autour des petites et grandes questions qu’elle aborde. Comment vivre au monde ? Comment aborde-t-on le travail ? Qu’est-ce qu’on y met comme énergie, comme désir, comme valeur ? Comment se réapproprier une manière de consommer ? À l’instant, je pense aux produits faits maison : cette mode est quand même assez agréable ! Les personnages de la pièce se réapproprient des choses simples, pratiques. Les questions autour du travail sont notamment portées par le personnage de Louis, qui fabrique des huiles essentielles et revendique qu’il s’agit là de son revenu et non de son métier.
Pourquoi écrire ? Ce désir de rencontre et de discussion t’a-t-il poussée à écrire du théâtre ?
Il y avait des choses que j’avais besoin de transformer en art. J’écris par nécessité intime, sociale, politique. Le théâtre est un témoignage engagé, une manière de m’inscrire dans le monde dans lequel je vis, d’y avoir mon mot à dire.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Nous travaillons sur la prochaine création de la compagnie, Le cœur des caméléons. Une résidence vient de s’achever, la pièce devrait être créée pour l’hiver prochain à Livarot. Elle traitera de la figure de l’artiste, son chemin réflexif (notamment au sein de la société), son statut et enfin du rapport que chacun entretien avec l’artiste qui est en lui.
Quelques mots à partager avec les futurs lecteurs et lectrices de ta pièce ?
Déjà, je suis contente des rencontres prévues ! Si c’est possible, le but de la rencontre du 22 mai au Tarmac, c’est de refaire le monde.
Propos recueillis par Annabelle VAILLANT
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Soirées autour de Du Vide sous les Toits de Mathilde Burucoa :
– Infiltration (inscription obligatoire)
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Crédits photographiques : Sarah Vage