Entretien avec Gilles Pélisson, président de TF1, sur la fiction française

Entretien avec Gilles Pélisson, président de TF1, sur la fiction française
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Gilles Pélisson, le président directeur général de TF1, a participé aux Dialogues Transatlantiques de Lille du 9e Séries Mania. Voici une sélection de ses déclarations à la séance de questions-réponses modérée par la journaliste de France 24, Marjorie Paillon.

Vous vous positionnez comme le premier financeur privé de la fiction française. Alors, avez-vous des chiffres qui le prouvent, en tant que diffuseur ?

Sur TF1, on comptabilise 80 soirées de prime-time, on a diffusé 32 des fictions qui sont en tête des 100 premières audiences françaises, c’est quelque chose de magnifique. Côté chiffres, c’est 150 millions euros d’investissement sur un total de grilles, pour le groupe TF1 d’un peu plus d’1 milliard d’euros. Donc c’est un gros investissement de notre part. Mais ce que l’on retiendra surtout, c’est qu’au fil des années, et particulièrement depuis ces dernières années, on touche à des sujets de société de que la fiction peut raconter et qui sont assez nouveaux. Et puis, une autre prise de risque du groupe TF1, on s’est lancé dans l’aventure d’une fiction quotidienne, ce qui n’existait pas vraiment en France sur une grande chaîne telle que TF1. Cette série, Demain nous appartient, a été produite par Newen et Telfrance et a connu un très grand succès. Et puis petit clin d’œil à Netflix, la distribution de La Mante, avec Carole Bouquet et Fred Testot, qui a fait de très belles audiences sur TF1 et qui a été diffusée aux États-Unis.

La fiction comme arme de développement du groupe TF1, en somme. À notre époque, plus que jamais, on court après le temps, après l’argent, après l’engagement de l’audience. La télévision linéaire peut-elle encore espérer tirer son épingle du jeu ?

Nous on est des grands partisans de la télévision linéaire, je ne vais pas vous mentir. L’idée c’est que la télévision est un vecteur de lien social, elle participe à un partage commun d’émotions, au contraire d’Internet qui propose une expérience individualisée. La télévision rassemble pour vivre des événements ensemble, pour les partager. Cela concerne principalement l’information, les événements directs, comme les grands événements politiques, les commémorations, etc. Tous ces événements ne se repassent pas en replay.

Si on reprend justement l’exemple de vos efforts, de vos productions, par exemple pour Netflix que vous êtes en train de développer, de Deutsch-les-Landes avec Amazon… Est-ce qu’on peut dire que vous avez fait la paix avec ces plateformes ?

On a plutôt cette notion de sentiment assez ambivalent. Mais, la question est vraiment de se dire, sur la partie producteur, qu’on est ravis de pouvoir travailler avec Netflix et que Newen puisse s’associer avec Amazon Studios. J’insisterai toutefois sur deux facteurs auxquels on doit tous être vigilants : tout d’abord, il faut questionner le partage de la valeur entre les producteurs et la plateforme, ce qu’elle nous « laisse » ; ensuite on peut se poser la question de savoir jusqu’où nous souhaitons qu’un aussi petit nombre de gens contrôlent l’imaginaire mondial. D’une certaine façon, ils concentrent entièrement le produit entre leurs mains. Pourtant, je crois qu’il y a de la place pour tout le monde, je crois qu’il faut laisser une place à la production locale, qu’il faut laisser une place aux petits producteurs. C’est la théorie des supermarchés et des petits commerces dans les centres villes, ils ont appris à coexister.

Concrètement, accorder 30 % de quotas de distribution aux plateformes, considérez-vous cela comme un juste rééquilibrage de ce qu’il se passe, vis-à-vis des opérateurs traditionnels ?

On peut qualifier cela de progrès, de pas dans la bonne direction. Mais il ne faut pas non plus se leurrer, Netflix est déjà à 27 %, donc vous voyez ce que vous allez leur demander en passant à 30% ; les télévisions européennes sont toutes à 50 % d’obligation et en France nous sommes à 60 % d’obligation. Donc c’est effectivement une évolution, mais une évolution timide vers une homogénéisation. Je pense que ce qui est très intéressant, dans les directives qui ont été prises, car en ce moment nous avons de fortes dissensions sur le sujet de la fiscalité, et là je crois que l’ensemble des gouvernements européens sont très actifs pour dénoncer l’anormalité de ce manque de participation à la fiscalité, d’une façon ou d’une autre. Le financement de la création, tel qu’on le voit arriver dans les propositions de l’ESMA, c’est-à-dire une obligation, à partir du moment où on est l’intérieur de l’Union européenne, de participer au financement de la création locale. On fonde également beaucoup d’espoirs sur l’évolution de la loi française sur l’audiovisuel, qui ne devrait pas tarder, et sur lequel un certain nombre de vieilles régulations qui nous encombrent et surtout pèsent sur les télévisions par rapport au monde merveilleux de l’internet, nous empêchent nous, diffuseurs, voire producteurs pour la télévision, d’agir un peu plus librement. Car, à l’inverse, le monde de l’internet est totalement libre.

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Photographie de Une – Gilles Pélisson (source : capture YouTube)



 

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