En 2020, l’année blanche a sauvé une partie des intermittents face à la crise sanitaire
Si le pire a été évité en 2020 pour les intermittents, la situation est jugée critique. C’est du moins ce qui ressort du rapport de l’Unédic concernant l’impact de la crise sanitaire sur l’emploi intermittent en 2020.
Publié le 6 mai 2021 à 8h, actualisé le 6 mai 2021 à 13h47
Le constat global du rapport de l’Unédic, Impact de la crise sanitaire sur l’emploi intermittent en 2020, publié fin mars, est mitigé sur l’ensemble du secteur artistique. Toutefois, malgré les grandes restrictions subies par les intermittents, l’allocation de l’intermittence a fortement limité la baisse des salaires moyens. Et si la situation est jugée critique par beaucoup, le pire a été évité.
Après plus d’un an de crise sanitaire, le milieu du spectacle fait partie des secteurs les plus touchés par les restrictions et les fermetures des lieux culturels. L’Unédic a étudié la situation des intermittents en 2020, dans un rapport de cinquante-deux pages, chiffres à l’appui.
En moyenne, l’activité de l’année 2020 a baissé de 30 % par rapport à l’année précédente. Néanmoins, certains domaines s’en sortent bien tandis que d’autres sont davantage privés d’activité. Pour répondre à la difficulté des intermittents durant cette crise, le gouvernement a mis en place le dispositif « année blanche« , dès le 6 mai 2020 et à compter du premier confinement, afin d’alléger l’injonction à cumuler 507 heures en un an ; cette année blanche prendra fin le 31 août 2021.
Année blanche : des disparités importantes parmi les allocataires du dispositif
Selon la date de fin de droits, et donc de celle de l’ouverture des droits, les intermittents ne sont pas tous égaux face au système d’allègement mis en place à travers l’année blanche. En effet, si certains auront largement pu engranger leur quota de 507 heures au 31 août 2021, d’autres n’auront tout simplement pas eu le temps ni les moyens de les réaliser.
La directrice des études et analyses de l’Unédic*, par ailleurs co-autrice du rapport, rappelle malgré tout « qu’avant la crise, 82 % des allocataires ouvrant un droit indemnisable jusqu’à la date anniversaire étaient réadmis le lendemain de la date anniversaire, 12 % dans les mois suivants », et 6 % ne les reconduisaient pas (retraite, nombre d’heures insuffisant, etc.). Fin 2020, plus de la moitié (57 %) des intermittents avaient fait leurs heures. Ce sont ceux dont les droits seront étudiés le 31 août. « À cette date, ce pourcentage aura encore augmenté », argue-t-elle. Et d’ajouter que « ce n’est ni catastrophique ni anormal, même si c’est bien plus faible que les années d’avant ».
Les plus affectés, car ils existent bel et bien, seront ceux dont la date d’ouverture des droits se situe entre juillet 2019 et février 2020, voire jusqu’à août 2020. « L’année blanche consiste à prolonger l’année pour tous ceux qui ont ouvert leurs droits avant mars 2020 et surtout depuis fin 2019, mais aussi pour ceux qui sont entrés pour la première fois en juin 2020 par exemple », résume la directrice des études et analyses de l’Unédic.
En revanche, ceux dont la date anniversaire de l’ouverture des droits est en mars 2020 sont moins touchés, puisqu’avant le premier confinement, ils avaient déjà un an d’heures accumulées. C’est à partir de novembre 2019 que nous trouvons « les situations les plus compliquées pour avoir les heures, même s’ils sont moindres à avoir ouvert leurs droits après mars 2020. Cela dépend de leur situation au niveau de leurs droits au début de la crise et au moment où l’année blanche a été décrétée. » Ainsi, parmi les allocataires dont la date anniversaire se situait entre mars et juin 2020, 86 % ont atteint le seuil des 507 heures fin décembre 2020.
Les secteurs audiovisuels sont moins touchés que les autres
Avant d’étudier la disparité d’activité entre les secteurs artistiques, il convient de noter la différence générale d’activité durant les confinements de printemps et d’automne-hiver.
En effet, la première différence entre les deux confinements « est le niveau de baisse d’activité ». Durant le premier confinement, « la baisse d’activité a été totalement stoppée de manière brutale et inattendue, tandis que l’activité partielle (même si nos données sont fragiles sur l’activité partielle) a servi à honorer les contrats en cours ». Durant le deuxième confinement, au contraire, « la baisse de programmations couplée à une certaine organisation a permis de moins avoir recours à l’activité partielle » pour lui préférer une activité réelle, puisque « nous savons que des résidences et des répétitions ont eu lieu », grâce à un confinement moins strict.
Malgré ces divergences entre les confinements, certains secteurs et métiers ont durablement cessé ou au contraire continué leur activité. Le secteur du film d’animation est le seul à avoir augmenté son activité par rapport à 2019 et depuis le début de la crise, notamment aux mois de juin, septembre, octobre, novembre et décembre 2020 ; les secteurs de la production audiovisuelle et de la télédiffusion sont ensuite ceux qui ont le moins ralenti leur activité, ce qui est d’ailleurs attesté par le fait que 67 % et 82 % des intermittents des branches respectives ont atteint leurs 507 heures fin décembre 2020, contre 62 % et 45 % dans le spectacle vivant subventionné et privé, par exemple.
Les femmes pourraient avoir davantage travaillé en 2020
Le rapport de l’Unédic fait mention des niveaux de revenu et d’indemnisation en 2020 entre hommes et femmes. Comparé à 2019, il semblerait que le niveau de rémunération se soit égalisé entre les deux, même si la part d’indemnisation est légèrement plus importante (de 2 %) chez les hommes que chez les femmes.
En effet, en 2019 les hommes ont en moyenne perçu un salaire de 1 500 € contre 900 € en 2020 et les femmes de 1 370 € contre 930 € en 2020. Toujours en 2019, hommes et femmes ont perçu la même indemnisation de 1 010 €, tandis qu’en 2020 elle était de 1 320 € pour les hommes et de 1 250 € pour les femmes.
Si l’on en croit les chiffres, les femmes auraient-elles plus travaillé que les hommes en 2020 ? « En 2019, le salaire moyen est plus élevé chez les hommes du fait qu’ils sont plutôt bons techniciens et que leur salaire est plus élevé, estime pour sa part la directrice des études de l’Unédic. En 2020, ils ont tous subi une baisse de salaire et ont donc davantage le même salaire moyen. Pour autant, le niveau d’indemnisation des hommes a été un tout petit peu plus élevé que celui des femmes. Comme le niveau d’indemnisation est corrélé au revenu (de l’année précédente), même si le revenu est le même en 2020, cela augmente leur part d’indemnisation en 2020 sans couvrir les pertes pour autant. »
Cela est peut-être vrai pour 2020, mais en 2019, à salaires différents, hommes et femmes ont perçu une indemnisation équivalente, qui correspond au nombre d’heures effectuées, utilisée comme base en guise de plafonnement. On peut donc en déduire une différence de salaire, à la baisse pour les femmes : à travail égal, salaire inégal. En effet, ceux qui ont subi le plus de perte de revenus parmi les 86 000 allocataires en 2020 sont à 73 % des hommes pour les baisses de plus de 30 %, puis de 15 à 30 %, et à 68 % des hommes pour la baisse de 5 à 15 %. Les hommes sont les plus touchés parmi ceux qui ont subi une perte majeure de leur salaire, mais à juste titre étant donné la différence avec le revenu des femmes.
Et maintenant ?
En dépit des différences de régime entre secteurs ou entre genres, la mise en place de l’année blanche couplée à l’allocation de l’intermittence a permis de juguler l’effet de la crise sanitaire dans le domaine du spectacle vivant. De plus, « la situation sur l’année n’est pas homogène, il ne s’est pas passé la même chose au début et à la fin de l’année. Nous regardons maintenant ce qu’il se passe au début de l’année 2021. »
Reste à savoir si les propositions du rapport Gauron pour prolonger l’année blanche seront acceptées par le Gouvernement.
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* Les prénom et nom ont été supprimés à la demande de l’Unédic, le personnel de cette association n’intervenant que de manière anonyme.
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Lire le rapport : Impact de la crise sanitaire sur l’emploi intermittent en 2020
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Source photographique : Pixabay