“Emma Peeters” : Monia Chokri, suicidaire pour le meilleur et pour sourire

“Emma Peeters” : Monia Chokri, suicidaire pour le meilleur et pour sourire
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La suicidaire Monia Chokri et l’extravagant Fabrice Adde forment un duo sympathique et amusant dans Emma Peeters de Nicole Palo. Un film en forme de pilule thérapeutique, à découvrir dans les salles le 18 décembre prochain.

Emma Peeters va avoir trente-cinq ans. Après des années de galère à Paris à essayer de devenir actrice, elle décide de se suicider pour réussir quelque chose dans sa vie. Elle fixe la date à la semaine suivante, le jour même de son anniversaire, et se rend dans une boutique de pompes funèbres où elle rencontre Alex Bodart, un thanatopracteur un peu particulier…

Dérision douce

Après un générique fort réussi, dès les premières images, en dépit de la thématique qui annonce une incursion dans l’humour noir, le spectateur est fixé : cette œuvre appartient au genre des comédies-antidépresseurs, plus communément appelé – hélas ! – feel-good-movies. Derrière la volonté suicidaire d’Emma Peeters, subtilement incarnée par la comédienne québécoise Monia Chokri, entre fraîcheur et apathie, se cache une furieuse envie de sens, de réalisation affective et professionnelle. Celle-ci prend des chemins détournés, en la personne d’Alex Bodart, joué par un Fabrice Adde parfois fragile, alternant des scènes où il assume pleinement son extravagance et des passages où il semble hésiter à plonger dans l’absurde.

Ces tâtonnements sont précisément ceux du film en son ensemble : l’humour grinçant entraîne de sympathiques moments, sans qu’il ne soit jamais totalement embrassé, sans provoquer le rire franc, voire libérateur. Pour son second long-métrage, la réalisatrice Nicole Palo privilégie la « dérision douce », concevant son œuvre comme « une pilule thérapeutique », ainsi qu’elle l’écrit dans sa note d’intention. Nul doute que cette douceur apporte une forme d’ingénuité, mais elle maintient par ailleurs le spectateur dans l’attente d’une folie fantaisiste qui n’advient jamais complètement – sauf à travers le chat, unique personnage secondaire à être à la fois insolite et truculent.

Une fraîcheur prévisible et efficace

Le film se regarde bien, reconnaissons-le. Nous devinons à l’avance presque toutes les scènes, d’autant mieux qu’elles sont annoncées par la structure à double effet – les jours de la semaine et la liste de ce qu’il reste à faire avant de mourir – qui encadre strictement l’histoire. Tout est attendu, prévisible, mais non dérangeant.

Certaines situations sont très bien traitées, grâce surtout au talent des comédiens : le casting où les examinateurs évoquent sans pitié la personne auditionnée avant de lui proposer un rôle de figurant, le cours de théâtre où tout n’est que faux-semblant, la solitude de l’artiste qui ne perce pas ou encore le travail alimentaire, inhérent à la situation concrète de nombre de comédiens… Tous se prennent pour des acteurs, mais tous sont vendeurs dans la journée ou serveurs le soir. Nicole Palo croque avec une grande justesse, à défaut de suffisamment d’originalité, la réalité d’une profession en souffrance.

L’absence de singularité est peut-être voulue par Nicole Palo, qui parsème son film de références au cinéma : allusion au réalisateur suédois Ingmar Bergman, scène musicale (avec panneaux) en référence au cinéma muet, musique et cadrage sur Monia Chokri qui rappellent explicitement Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, dénouement reprenant tous les codes (pleinement assumés cette fois !) de la comédie romantique… Le film en son entier se voudrait-il une récapitulation des genres ? Là encore, difficile de l’affirmer, faute d’un parti-pris parfaitement manifeste.

Si l’ambition du film est de se présenter comme une simple « pilule thérapeutique », Nicole Palo a incontestablement gagné son pari. Malgré quelques piétinements et des incertitudes quant au parti-pris, une telle œuvre se pose bien comme une comédie fraîche et plaisante.

Pierre GELIN-MONASTIER

 



Nicole Palo, Emma Peeters, Belgique – Canada, 2018, 87mn

Sortie : 18 décembre 2019
Genre : drame
Classification : tous publics

Avec Monia Chokri, Fabrice Adde, Stéphanie Crayencour, Andréa Ferréol, Anne Sylvain, Jean-Henri Compère, Thomas Mustin, Jean-Noël Delfanne, Aran Bertetto…

Musique : Robert Marcel Lepage
Image : Tobie Marier Robitaille
Son : Martyne Morin
Montage image : Frédérique Broos
Montage son : Christian Rivest
Mixage : Isabelle Lussier
Costumes : Gaëlle Fierens
Décors : Isabelle Girard
Dresseuse de chat : Valérie Chavanon Cinéanimal

Production : Take Five
Coprocudction : Possibles Médias (Canada)

Distribution : CFA programmation et distribution

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