Des professionnels de la musique dénoncent une “stigmatisation assumée” de leurs pratiques
Une quinzaine d’organisations professionnelles du secteur de la musique adressent une lettre ouverte aux dirigeants politiques actuels – et plus particulièrement au Premier ministre Jean Castex, à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot et au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin –, appelant à mettre fin à une « stigmatisation assumée des pratiques musicales ».
Profession Spectacle reproduit leur appel en solidarité
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Stop à la stigmatisation
Madame et Messieurs les ministres,
Le contexte actuel, marqué par la crise sanitaire, amène les pouvoirs publics à prendre des mesures strictes afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19, ce que nous pouvons comprendre. Cependant, nous observons ces dernières semaines des décisions nous interpellant, voire nous choquant, ciblant expressément le champ des pratiques musicales, sans que ceci ne soit justifié par la moindre considération sanitaire spécifique. Ainsi et à titre d’exemple, le 29 septembre, dans un arrêté, la préfecture du Morbihan a choisi d’interdire « la tenue de rassemblements festifs à caractère musical et la circulation des véhicules transportant du matériel susceptible d’être utilisé pour une manifestation festive à caractère musical […] » (étant entendu qu’il s’agit d’une catégorie spécifique de rassemblements), ainsi que « la diffusion de musique amplifiée sur l’espace public quelle qu’en soit l’origine ».
Comment peut-on justifier cette stigmatisation assumée des pratiques musicales ? En quoi le « transport de matériel » peut-il être interdit, alors que dans le même temps, de nombreux professionnels tentent de faire survivre leur activité dans des théâtres, salles de concert, cafés culturels, ceci dans le plus strict respect des consignes et normes sanitaires ? En quoi la diffusion de musique amplifiée, « quelle qu’en soit l’origine », représenterait un risque ?
Nous voyons dans ces décisions une bien triste méconnaissance de ce que représentent les pratiques musicales, une association implicite à des « dérives », loin de leur réalité artistique. De plus, ces décisions locales viennent nier l’expertise des professionnels du spectacle vivant musical, tout à fait compétents pour proposer des rendez-vous culturels adaptés à la situation sanitaire.
Nous souhaitons vous rappeler que depuis de nombreux mois et comme nous l’a suggéré Monsieur le Président le 6 mai dernier, les artistes, technicien·ne·s et structures organisatrices tentent de réinventer leur activité, de proposer aux personnes de leurs territoires des temps artistiques qui puissent s’adapter au contexte, malgré une grande incertitude et des consignes bien trop souvent contradictoires. Par là même, ils continuent à répondre à des objectifs forts de politiques publiques, en permettant, en des moments où le lien social est moins évident, de mettre les personnes en relation et en dialogue, en rompant l’isolement, en assurant les conditions du vivre ensemble. Le tout sans mise en danger des personnes, et en leur assurant un cadre sanitaire optimum, selon les obligations auxquelles ils souscrivent en tant que professionnels. Cibler explicitement et dans des textes officiels les rassemblements musicaux, ainsi que la diffusion musicale, revient à nier cela.
Nous vous invitons à reconsidérer ce positionnement, que ce soit à l’échelon national ou local, via les Préfectures. Il est possible de travailler avec les acteurs et actrices du champ musical, d’inventer des propositions – y compris dans l’espace public – qui soient cohérentes avec les impératifs sanitaires, de se nourrir de nos expertises plutôt que de les ignorer. Lorsque des mesures globales sont nécessaires, il est primordial de ne pas cibler de manière différenciée la musique, alors que celle-ci ne représente objectivement pas de danger particulier par rapport à toute autre pratique collective. Il convient enfin de toujours privilégier le dialogue et la co-construction, plutôt que des décisions unilatérales venant aggraver une situation déjà fort préoccupante.
Nous sommes, comme de nombreux autres actrices et acteurs du champ musical, résolu·e·s à être associé·e·s à une réflexion collective, pour imaginer ensemble des solutions crédibles, respectueuses des personnes et rationnelles.
Dans cette attente, nous vous assurons, Madame et Messieurs les ministres, de nos sentiments les meilleurs.
Signataires
– FAMDT (Fédération des Acteurs et Actrices de Musiques et Danses Traditionnelles)
– FEDELIMA (Fédération nationale des lieux et projets dédiés aux Musiques Actuelles)
– FERAROCK (Fédération des Radios Associatives Musiques Actuelles)
– OCTOPUS (Fédération des musiques actuelles en Occitanie)
– PAM (Pôle de coopération des Acteurs de la filière Musicale en Région Sud & Corse)
– FNAR (Fédération Nationale des Arts de la rue)
– SCC (Syndicat du Cirque de création)
– SMA (Syndicat des Musiques Actuelles)
– GRANDS FORMATS (Fédération d’artistes pour la musique en Grands Formats)
– GRAND BUREAU (Réseau musiques actuelles Auvergne-Rhône-Alpes)
– RIM (Réseau des Indépendants de la Musique en Nouvelle-Aquitaine)
– LE RIF (Réseau des Indépendants de la Musique en Nouvelle-Aquitaine)
– RMAN (Réseau des musiques actuelles en Normandie)
– ZONE FRANCHE (Le réseau des musiques du monde)
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