Crédit d’impôt pour le spectacle vivant : « le bébé joufflu » que le gouvernement met à la diète
Les députés ont adopté le 15 novembre dernier un amendement qui modifie le crédit d’impôt pour le spectacle vivant. « Le bébé est joufflu », justifiait Joël Giraud, député LREM et rapporteur du budget à l’Assemblée. On décrypte.
Noyée dans la fronde des gilets jaunes, la mesure est (presque) passée inaperçue. Ce que les député ont voté, c’est une « modification du champ d’application du crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant » mis en place en 2016 ; Profession Spectacle vous avait à cette occasion expliqué comment il s’articulait. Il permet de déduire 15 % des dépenses éligibles du montant brut de l’impôt sur les sociétés. Les députés en ont également limité la durée jusqu’à 2022.
Pour simplifier, cet amendement permet d’exclure des bénéficiaires. Et ce sont les spectacles de variété – humour et comédies musicales – qui trinquent. Mais pourquoi ? Le gouvernement est parti d’un constat : le dispositif a permis de soutenir en 2017 146 entreprises pour un montant de crédit d’impôt de 9,7 millions d’euros. Mais il a bénéficié à des entreprises qui produisaient des artistes à forte notoriété, observe le gouvernement dans l’exposé des motifs de son amendement. Pour dresser ce constat, l’exécutif s’est fondé sur un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) qui dépend de la Rue de Valois. Il est disponible ici en téléchargement.
« Paramétrage bancal »
Les auteurs ont décortiqué les six crédits d’impôt dans la culture, dont le périmètre a été régulièrement étendu et le montant a doublé depuis 2016, note Le Monde. Ces spécialistes saluent la gestion et le suivi des dispositifs dans le cinéma et l’audiovisuel (les plus coûteux), mais accordent une très mauvaise note dans les secteurs du jeu vidéo, de la musique enregistrée et du spectacle vivant. Pour ce dernier, la charge est rude. « Dans le spectacle vivant, tout porte à mettre en doute l’efficacité du crédit d’impôt », critiquent les auteurs qui jugent ses objectifs « flous, diffus et non priorisés, ce qui se traduit par un paramétrage bancal ». Ils dénoncent également la non-maîtrise des coûts et le champ « mal défini » du secteur bénéficiaire de l’aide, ce qui « favorise les revendications d’extension à l’ensemble du spectacle vivant, y compris le théâtre ». Le rapport préconise de remplacer à terme ce coup de pouce fiscal par des aides à la production, précise le quotidien.
« Le bébé est joufflu », justifiait Joël Giraud, député LREM et rapporteur du budget à l’Assemblée. « Le crédit d’impôts sur le spectacle vivant est passé de deux millions d’euros en 2016 à vingt millions en 2018. La responsabilité du gouvernement, c’est d’arrêter les dégâts sur quelque chose qui n’est plus du tout sous contrôle », expliquait-il sur LCP. L’image est flatteuse !
Le « bébé » a donc été mis à la diète. Cet amendement gouvernemental au projet de budget 2019 a ainsi été adopté pour « mieux orienter » le crédit d’impôt du spectacle vivant « en soutien à la production d’artistes émergents » et « en accompagnement d’entreprises moins subventionnées prenant des risques financiers ».
Colère des syndicats
Ce choix fait bondir les syndicats. « Le spectacle vivant est sacrifié alors qu’il ne représente que 5 % du coût de l’ensemble des crédits d’impôt dédiés à la culture », dénonce Olivier Darbois, le président du Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss), dans un communiqué.
Malika Séguineau, la directrice générale du Prodiss, dénonce quant à elle deux poids deux mesures : « Le gouvernement a freiné toute modification du crédit d’impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo ou des œuvres cinématographiques et audiovisuelles au motif que cela enverrait un très mauvais signal. Quel signal pense-t-il envoyer aux entrepreneurs de spectacles qui font vivre des centaines de milliers d’emplois à travers les territoires ? »
Le SNES déplorait également, dans un communiqué reproduit par Profession Spectacle, l’oubli du spectacle vivant dans le budget 2019. Un sujet sur lequel nous ne manquerons pas de revenir.