Coulée dans le béton
Production phare de cette 74e édition du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, la « Résurrection » promise par Roméo Castellucci est fossoyée par le Stadium.
Voici donc le Stadium, grand cube noir érigé sur un lit de bauxite rouge en bordure d’autoroute surplombant Vitrolles et l’étang de Berre, geste architectural improbable réalisé par Rudy Ricciotti, « le roi du béton », bâtiment à l’abandon depuis vingt ans que les Provençaux regardent avec méfiance et gravité. Désormais, c’est le nouveau terrain de jeu du Festival d’art lyrique d’Aix-en-en Provence qui ambitionne la renaissance du sarcophage vitrollais.
Dans ces conditions, quoi de mieux qu’une équipe de « galactiques » pour revitaliser un moribond ? Pour ce superbe mercato d’été, sont ainsi convoqués la Symphonie n°2 Résurrection de Gustav Malher, l’Orchestre de Paris sous la direction d’Esa-Pekka Salonen, Marianne Crebassa et Golda Schultz comme chanteuses, et enfin Romeo Castellucci pour habiller une musique qui n’en a nullement besoin. Si le cheval blanc qui lance le spectacle intrigue, bientôt, l’énième avatar des horreurs de la guerre nous rappelle que tout cela n’est qu’un prétexte à notre pèlerinage : pénétrer pour la première fois dans les entrailles du monstre et mesurer combien le béton nous laisse de marbre.
Bien sûr, dehors, tout le monde fait semblant de ne parler que du scandale provoqué par la mise en scène, l’exhumation durant plus d’une heure d’un charnier dont les corps en latex sont censés nous glacer jusqu’à l’effroi, tout en louant la puissance de l’orchestre symphonique, sonorisé pour l’occasion, et la présence irradiante de son chef malheureusement invisible en raison du dispositif scénique. Mais sitôt la comédie de la reproduction sociale parachevée, il faut bien se rendre à l’évidence. Malgré une exploitation à minima, seul le monolithe tire véritablement son épingle du jeu.
Pustule devenue divinité, montagne Sainte-Victoire des pauvres, le Stadium savoure le désarroi de ses visiteurs. « À quoi bon me ressusciter puisque je ne suis pas mort ? Je suis juste endormi, susurre-t-il à la cohorte des soi-disant initiés. J’attends toujours le grand sorcier qui saura enfin me faire rayonner comme il se doit. » Car dans notre affaire, l’échec n’est pas tant dans une nouvelle production inégale et faussement polémique que dans l’incapacité à s’approprier un lieu.
Correspondant Sud-PACA
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En savoir plus : Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence
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