Comment le digital change les habitudes des spectateurs de théâtre…
L’arrivée du Web est synonyme de meilleure accessibilité à l’information. Les habitudes des spectateurs changent nécessairement… mais comment ? Il y a urgence pour les théâtres de comprendre ces évolutions. Comment peuvent-ils les exploiter, au service de leurs spectacles et des spectateurs eux-mêmes ?
Impact du digital sur le public de théâtre (6/7)
Aude Chabrier a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Elena Borin (Burgundy School of Business), sur le thème : « L’impact du digital sur le public de théâtre ». Elle propose une synthèse de ses recherches dans une série de sept articles publiés dans Profession Spectacle.
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Déterminer si le digital peut être un levier pour affecter qualitativement et quantitativement la fréquentation des théâtres revient à analyser si celui-ci peut changer les pratiques des spectateurs et non spectateurs. Ainsi, nous avons vu précédemment qu’un individu fonde sa décision d’aller au théâtre selon des motivations propres et un niveau d’accès à l’information.
Favoriser l’accès à l’information par le digital
La fréquentation des théâtres est fortement dépendante du niveau d’information accessible par les populations. Du fait de la multiplicité des offres de pièces proposées aux spectateurs et des motivations intrinsèques de chacun, il peut être effectivement délicat pour un individu de trouver la pièce qui lui conviendrait le mieux – ce qui peut décourager les individus dans leur processus d’achat. Ainsi, en mettant en place des actions marketing digitales ciblées, comme l’envoi e-mailing ou la diffusion de messages sponsorisés sur les réseaux sociaux, les théâtres augmentent leurs chances de toucher un spectateur potentiel.
Cela est possible car le digital a profondément changé nos façons de consommer et permet une meilleure accessibilité et personnalisation de l’information. Il a notamment réduit plusieurs barrières auxquelles se heurtaient préalablement les flux d’informations : la distance et la durée de l’information, pour ne nommer que les principales. De plus, le digital encourage les formes de dialogue entre clients et professionnels. Par le biais d’actions ciblées, l’idée n’est plus juste de parler à ses consommateurs, mais bien de créer un dialogue.
Le digital et les campagnes marketing y étant associées peuvent avoir un réel impact sur l’accès à l’information des spectateurs et sur leur fréquentation dans les théâtres.
Le bouche-à-oreille devient digital
Ainsi que nous l’avons énoncé précédemment, le spectateur se réfère naturellement et quasi-automatiquement aux conseils et recommandations de son cercle primaire : amis, famille… Le bouche-à-oreille a donc une place primordiale dans la consommation des spectateurs de théâtres. Or, aujourd’hui, il peut aussi se décliner sur les supports digitaux.
Certes le digital permet d’établir un dialogue entre clients et professionnels, mais il incite aussi les clients à communiquer entre eux. Des communautés virtuelles se développent ainsi par le biais de canaux multiples : forum, réseaux sociaux ou blogosphère par exemple. L’industrie qui est la plus touchée par ce phénomène est celle du tourisme, avec la notoriété de plates-formes comme TripAdvisor. Dans ce contexte, ces communautés virtuelles peuvent s’apparenter aux groupes-relais étudiés précédemment ; chacun peut se retrouver « ambassadeur » d’un produit ou d’un service.
Grâce à ces communautés, spectateurs réguliers ou en devenir peuvent aisément trouver des témoignages avant l’acte d’achat. Cela les rassure car il y a très peu de chances pour que les auteurs de ces témoignages les persuadent d’effectuer tel ou tel achat : il s’agit plus de retours sur expérience et de recommandations. Cela réduit naturellement la peur d’achat du spectateur potentiel. Comme vu précédemment, cette peur de l’achat est une combinaison de différents facteurs : crainte de la déception, impossibilité d’estimer sa satisfaction, investissement de temps non négligeable, etc. Le fait d’avoir des témoignages positifs, même de personnes hors de son cercle primaire, réduit la crainte de la déception et permet au spectateur potentiel d’avoir une estimation de sa possible satisfaction plus affinée. Tous ces éléments peuvent donc aider le processus de décision et favoriser les achats.
Un impact direct sur les pratiques des spectateurs
Le digital permet une simultanéité des actions marketing, menées par les professionnels des théâtres, et des témoignages d’autres spectateurs. Aussi les clients potentiels ont-ils l’opportunité de consulter leurs pairs à n’importe quel moment durant leur processus de décision. L’information est certes diffusée par les professionnels des théâtres, mais elle est contrôlée par ces pairs.
Ainsi, le digital influe à la fois sur les motivations des spectateurs potentiels par le développement d’un bouche-à-oreille digital, aussi identifié par Gillian Moran, Laurent Muellec et Eoghan Nolan comme le « e-world of mouth », mais aussi sur leur niveau d’information par une meilleure accessibilité et personnalisation de l’information. En influant sur les motivations des spectateurs et sur leur accès à l’information, le digital a un impact direct sur les pratiques des spectateurs et peut ainsi favoriser leur fréquentation dans les théâtres.
Articles parus
1/7. Le profil type d’un spectateur de théâtre
2/7. Mais quelles peuvent bien être les motivations du public pour aller au théâtre ?
3/7. Le théâtre, une manifestation essentiellement collective ?
4/7. Liberté de création artistique et stratégies de marketing sont-elles conciliables ?
5/7. État des lieux des stratégies digitales au théâtre
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En partenariat avec la Burgundy School of Business de Dijon.