Claude Vonin : des cordes et du rythme
La générosité de Claude Vonin est à la hauteur de ses nombreux talents déployés sur la scène théâtrale. Le violoniste aux quatre premiers prix de conservatoire propose un voyage original à travers les époques et les continents, à la découverte de son instrument de prédilection. Si la forme du spectacle musical est dorénavant rebattue – pas moins d’une dizaine de propositions lors du dernier festival off d’Avignon ! –, rares sont ceux qui, comme lui, proposent une œuvre alliant l’érudition de l’historien, le talent du conteur, la virtuosité du musicien et l’humour ravageur du clown.
Voyage burlesque…
Lorsque Théodore Cordus entre en scène, nous mettons un peu de temps à réaliser que nous jouons l’auditoire de ce professeur d’ethnomusicologie à la verve haute et au débit rapide. Il nous met à contribution d’emblée, trop vite peut-être, puisque nous n’entrons dans son univers foisonnant que progressivement. À défaut de respecter notre temporalité, le comédien-professeur-interprète a pour lui un rythme soutenu, en bon musicien, et des mimiques désopilantes, en excellent comédien. Les terres lointaines apparaissent à l’horizon : nous voici soudain partageant la caverneuse intimité des hommes préhistoriques, parcourant les îles d’Asie et les salons persans, le conservatoire de Cordoue et la cour d’Aquitaine, les ateliers italiens et les temples allemands. En dix tableaux et autant d’anecdotes fictives, mais rigoureusement ancrées dans l’histoire, nous découvrons les premiers instruments à cordes : le boyau musical, l’erhu, le rabab, la viole, la pochette… jusqu’au majestueux violon. À chaque continent son ambiance lumineuse, souvent convenue, et qui ne demande qu’à être affinée davantage.
… et poésie intérieure
Claude Vonin croque les personnages par des accents parfaitement exécutés : ses imitations de Lully et du professeur ben Salaam, pour n’en citer que deux, provoquent une hilarité bienfaisante. Les instruments sont accompagnés d’un fond sonore qui soutient la partition, jusqu’à ce que le violon émerge seul, sans accompagnement, royal et délicat. Il le laisse résonner face à un public qui ne rit plus mais goûte le son pur qui peu à peu remplit la salle. Le mime laisse la place au poète lorsqu’il initie son auditoire à la musique de Vivaldi – probablement le plus beau moment du spectacle –, avant de le guider vers l’intériorité avec Bach. Les lumières de la salle s’éteignent doucement ; restent la flamme fébrile mais vivante de la bougie, et les vibrations de l’archer sur les cordes.
Généreux, Claude Vonin l’est de bout en bout, jusqu’à sa reprise du virtuose Paganini. Et lorsque les derniers applaudissements retombent, alors qu’il s’apprête à regagner l’ombre des coulisses, il répond violon en main à un spectateur qui lui crie de manière impromptue : « Un dernier morceau ! »
Pierre GELIN-MONASTIER