Clara Benoît Casanova : « Il y a une nécessité politique à écrire du théâtre »
Clara Benoît Casanova est comédienne, metteure en scène et autrice. Elle a co-fondé la compagnie franco-dominicaine Sang Fauve. Elle travaille actuellement sur un triptyque autour de la transmission féminine, dont fait partie Mauvaises herbes, pièce proposée à la découverte dans le cadre des rencontres ALT du mois de mars.
La soirée “Émulsion culturelle”, ouverte à toutes et tous, aura lieu à Paris au Pitch Me ce vendredi 15 mars. Cette soirée proposera des lectures d’extraits de Mauvaises herbes ainsi que de multiples propositions artistiques inspirées par la pièce.
La soirée Infiltration, sur inscription, aura lieu au Théâtre de la Cité Internationale le mercredi 27 mars. Cette soirée sera l’occasion de discuter avec l’autrice dans un cadre intime et convivial, et d’échanger au côté de lecteurs et lectrices curieux.
Entretien.
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Comment résumerais-tu ta pièce en quelques mots ?
Mauvaises Herbes est centré sur la transmission féminine. J’interroge notamment les tabous du désir féminin et les tabous familiaux à travers une fiction présentant plusieurs femmes d’une même famille. Dans la pièce, ces femmes sont « empêchées » de différentes manières, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas libres d’être pleinement, que ce soit par rapport à elles-mêmes, à la société ou encore aux hommes.
Mauvaises Herbes est « en cours d’écriture », ce qui est d’ailleurs un cas unique dans le cadre des rencontres ALT. Pourquoi faire lire un texte que tu ne considères pas fini ?
Lorsque j’ai découvert ALT, j’ai pensé qu’aller à la rencontre des lecteurs et lectrices était une occasion idéale pour mon étape d’écriture. Mauvaises Herbes a un début, un milieu et une fin ; mais pour l’instant, cela ne correspond pas tout à fait à ce que je veux. Je souhaite voir comment le texte parvient aux lecteurs et poursuivre ainsi son écriture.
Pour nous mettre dans l’ambiance de ta pièce, peux-tu nous citer des couleurs, sons et odeurs ?
L’odeur de la mer, celle des vieilles maisons des grands-parents et aussi un certain parfum floral. Il y a du rouge, il y a du vent et la lumière est blanche. Enfin, je pense à la texture de la terre et à celle de la peau.
As-tu des anecdotes d’écriture à partager ?
Pas sur l’écriture en elle-même, mais sur la conception d’une performance à partir de la pièce. J’avais choisi de réaliser des vidéos dans une vieille cuisine. Pour ce faire, la maison de ma grande-tante convenait tout à fait, et j’ai demandé à ma sœur de poser pour moi. Il s’agissait d’être nue dans une cuisine. Lors du tournage, le salon attenant à la cuisine était occupé par ma mère, ma grand-mère et ma grande-tante… qui avaient simplement peur que nous prenions froid ! Nous tournions des vidéos, nues dans la cuisine, et elles ne cessaient de nous dire de monter le chauffage !
Mauvaises herbes fait partie d’un triptyque. Peux-tu nous en dire plus sur celui-ci ?
En effet, Mauvaises Herbes est le dernier volet d’un triptyque autour de figures de femmes empêchées et de la transmission féminine. Le premier volet s’intitule La Clé des champs. Il s’agit de mon premier texte dramatique abouti, que j’ai mis en scène en 2012. Cette pièce raconte l’histoire de quatre sœurs qui attendent le retour des hommes partis pour une guerre, et surtout qui attendent le retour de la vie. Le second volet du triptyque est en maturation : il traitera des sœurs qu’on se choisit, de l’amitié féminine, entre deux époques. Je choisis le terme triptyque plutôt que trilogie car les fictions sont indépendantes ; c’est le thème qui les connecte : la transmission féminine, la femme empêchée. Il y a cependant bien une figure récurrente : « celle qui disparaît », mais libre aux lecteurs et spectateurs d’imaginer ou non un même personnage.
Pourquoi écris-tu du théâtre?
J’ai du mal à savoir d’où vient ma propre nécessité… Je sais simplement qu’elle est là depuis toute petite ; j’ai toujours eu envie d’écrire des histoires et de les jouer. Avant de savoir écrire moi-même, je dictais des histoires à ma mère ! Mes parents sont tous les deux bibliothécaires : mon rapport aux histoires ne vient pas de nulle part. Ma mère testait les albums jeunesse sur moi, si bien que j’ai eu un précieux accès aux contes, aux livres, aux mots. J’ai donc écrit des nouvelles, des chroniques et du théâtre assez rapidement. À mes yeux, il y a une nécessité politique à écrire, et notamment à écrire du théâtre, car c’est une façon de proposer de l’imaginaire.
Tu cites plusieurs femmes de ta famille. La transmission féminine est-elle ta source d’inspiration principale ?
En effet, je viens d’une famille où les femmes sont nombreuses, très présentes et impliquées ; la transmission féminine est donc très importante pour moi. Cette dimension est présente dans mon écriture, mais aussi l’affirmation du désir féminin, les thématique des femmes empêchées, la perte de l’enfance ou encore des idéaux.
Des performances issues de Mauvaises Herbes ont-elles été déjà créées ?
La pièce est en cours d’écriture, notamment par des aller-retour avec le plateau. Une maquette d’une trentaine de minutes est conçue, et nous avons créé une installation immersive ouvrant l’imaginaire autour de la pièce. C’est une installation interactive composée de plusieurs performances, dans laquelle le spectateur peut construire la fiction qu’il souhaite dans l’univers de Mauvaises Herbes. Cette installation sera à nouveau présentée lors du festival Femmes en Action, le 22 mars à 18h au Relais Ménilmontant, dans le vingtième arrondissement de Paris.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
J’ai tendance à travailler sur plusieurs choses en même temps. Parallèlement à l’écriture continue de Mauvaises Herbes, je travaille actuellement sur une autre pièce nommée Tout ira bien, ainsi que sur différentes nouvelles, ou encore sur des chroniques à destination de podcast. Par ailleurs, je suis aussi comédienne au sein des projets de ma compagnie, Sang Fauve. C’est une compagnie franco-dominicaine fondée en 2016 par Licelotte Nin Mojica et moi-même, notamment pour mettre en valeur des textes de femmes contemporaines. Nous montons différents projets entre Saint-Domingue et Paris : en ce moment, la pièce Un morceau de poupée de Lilli Jolie est représentée à Saint-Domingue, et nous monterons prochainement à Paris Le Fou et la Nonne de Stanislaw Ignacy Witievicz, mis en scène par Erell Caouren.
Propos recueillis par Annabelle VAILLANT
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Soirées autour de Mauvaises herbes de Clara Benoît Casanova :
– Infiltration (inscription obligatoire)
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Photographie de Une – Clara Benoît Casanova (DR)