« Ciné Azur » de Claude Raybaud : 60 ans de cinéma entre mer et soleil
Natif de Nice, Claude Raybaud vient de faire paraître un ouvrage qui célèbre soixante années de cinéma sur la Côte-d’Azur, de La Main au Collet d’Alfred Hitchcock en 1955 à Brillantissime de Michèle Laroque en 2018. Il offre à ses lecteurs une sélection de quarante-cinq longs-métrages (sur plus six cents, selon ses dires), comme une anthologie subjective, donc amoureuse, du septième art.
Dans un joli et rare petit opuscule intitulé Mistral et le soleil dans Mireille (Maison Aubanel père, 1962), le père Norbert Calmels, abbé des Prémontrés de Saint-Michel de Frigolet, écrit : « De famille provençale, Frédéric Mistral a su déchiffrer l’essentiel et l’a mis en évidence, concentré, minuté, contrôlé, sous la vivace splendeur du soleil. En effet, c’est bien le soleil qui fait tout ; sans le miracle de la lumière, nous n’aurions ni Mistral ni Mireille. »
Nous aurions envie d’ajouter : ni les nombreux tableaux de Van Gogh et Cézanne, ni le merveilleux Au hasard Balthazar de Robert Bresson (1966), ni les romans pierreux de Jean Giono, ni l’exubérance littéraire d’Edmond Rostand, ni l’enchantement de Marcel Pagnol…
« Le seul menteur du Midi » qu’est ce soleil hâbleur, selon l’expression d’Alphonse Daudet, imprègne nécessairement toute œuvre qui s’ancre dans le sud-est de la France. La terre peut être provençale ou niçoise, le soleil reste impitoyablement méditerranéen, frappant les esprits, parfois jusqu’à la folie, les cœurs, jusqu’à la passion, et les langues, jusqu’à l’hypertrophie.
Ce soleil se retrouve dans bien des films sélectionnés par Claude Raybaud dans son anthologie cinématographique, Ciné Azur. 60 ans de cinéma sur la Côte d’Azur. Celle-ci ne comprend cependant pas l’ensemble de la Provence, mais se concentre essentiellement, comme son titre l’indique, sur la Côte d’Azur, cette portion du littoral mal définie qui s’étendrait des îles d’Hyères (Porquerolles, Port-Cros et Levant), voire de Cassis, à la frontière franco-italienne.
C’est-à-dire que l’implacable soleil s’abattant sur la calebasse est tempéré par l’horizon azuré qui se déploie à perte de vue. Les studios de la Victorine, légèrement en retrait du littoral, sur une colline semi-urbaine de Nice, en sont la parfaite synthèse, que La nuit américaine de François Truffaut met si bien en exergue. Ces studios, créés en 1919, jouèrent un rôle cinématographique majeur, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. Claude Raybaud, dans l’introduction de son ouvrage et dans la double page qu’il consacre au film de Truffaut, prend le temps de nous expliquer l’histoire et la topographie des lieux – comme de chaque lieu, ce qui en fait un ouvrage particulièrement fouillé sur chacun des bâtiments emblématiques investis par le septième art.
Son introduction présente un certain nombre de notions fondamentales, signe que l’auteur souhaite s’adresser à des néophytes, amoureux de cinéma et de leur pays niçois : la profondeur de champ, le cadrage, le tournage, les trucages, le box-office… autant de notions expliquées avec simplicité et efficacité, en une simple double page, avant d’entrer dans une présentation méthodique des quarante-cinq films sélectionnés, auxquels sont consacrés une à deux pages.
Chaque œuvre fait l’objet d’un résumé complet de l’intrigue (en livrant parfois, malheureusement, la fin), en correspondance avec les lieux précis croisés par les protagonistes. Claude Raybaud n’hésite pas à juger de la cohérence géographique, « qui laisse à désirer » dans La main au collet d’Alfred Hitchcock, « bien respectée » dans Sans mobile apparent de Philippe Labro (1971), ou totalement farfelue – et narrée de manière amusante par l’auteur – dans Les spécialistes de Patrice Leconte (1985).
Cet ouvrage insiste volontairement sur les noms de la moindre rue, du plus petit hôtel, sur les emplacements exacts de telle ou telle scène, au risque parfois de perdre ceux qui ne connaissent pas ou peu la ville de Nice et ses environs. Pour l’écrire avec le bon ton du pays, et sans vouloir être chichounet, ce livre est davantage écrit pour les Nissarts que pour la franchimandaille.
Pour les connaisseurs, il y aura grand plaisir à feuilleter les intermèdes pour promeneurs. Dans des synthèses particulièrement claires et concises, Claude Raybaud nous propose – à la manière d’un guide touristique – des balades à la suite des comédiens et des films, autour du port de Nice, de la Croisette à Cannes (de la Mélodie en sous-sol avec Jean Gabin et Alain Delon à La cité de la peur d’Alain Berbérian avec les Nuls), de Saint-Tropez (Et Dieu créa la femme de Roger Vadim avec Brigitte Bardot, la série des Gendarmes de Saint-Tropez emmenés par Michel Galabru et Louis de Funès…), de l’arrière-pays niçois (la Vésubie, Peïra Cava, La Roquette-sur-Var…), de Monaco, etc. Autant de jolies promenades à vivre sous le soleil, avec vue sur la mer, de son bord ou des collines avoisinantes…
Seuls défauts de ce sympathique ouvrage pour enfants du pays : le noir et blanc des illustrations, pour des raisons évidentes d’économie (ce qui ne permet pas de goûter suffisamment le soleil et la mer, omniprésents dans ces contrées), et l’absence d’une relecture rigoureuse du texte, qui laisse ainsi passer de nombreuses fautes orthographiques et syntaxiques.
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Claude Raybaud, Ciné Azur. 60 ans de cinéma sur la Côte d’Azur, Éd. Baie des Anges, 2018, 96 p., 14 €
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