Canal+ donne des sueurs froides au cinéma français
« Un séisme ». En un tweet, Mathieu Debusschère, le délégué général de L’ARP (Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) a résumé hier soir la puissance de l’onde de choc provoquée dans l’industrie cinématographique française par l’annonce de la perte par le groupe Canal+ des droits de diffusion de la Ligue 1 de football pour la période 2020-2024 (passés principalement dans l’escarcelle du groupe espagnol Mediapro – contrôlé depuis février par un fonds chinois – et ayant atteint un montant total record de 1,15 Md € contre 762 M€ encaissés par le précédent appel d’offres).
En effet, Canal+ est la première source de financement des films français avec 116,5 M€ de préachats en 2017 pour 112 longs-métrages. Mais ce volume d’acquisition lié automatiquement à son chiffre d’affaires, donc à son nombre d’abonnés (8,01 millions fin mars 2018) a déjà subi l’an dernier une sévère contraction avec une baisse de 35 M€ de l’obligation d’investissement dans le cinéma français et européen (dont 25 M€ dans le cinéma d’expression originale française).
La perte du football, l’une des principales motivations d’abonnement, à partir de fin juin 2020 risque d’amplifier la tendance, même si Canal+ entend recentrer son modèle sur le cinéma et les séries et y consacrer l’argent dépensé jusqu’à présent pour le football.
Pour mémoire, Canal+ doit consacrer au moins 12,5 % de son chiffre d’affaires annuel au préachat (85 % minimum du montant total) et à l’achat de films européens et français, dont 9,5 % pour les longs métrages d’expression originale française. À noter que sur le total, 17 % doivent être dédiés aux films dont le budget est inférieur à 4 M€.
La nouvelle footballistique dont la mise en pratique en 2020 reste encore à préciser (l’attribution des droits de la série A italienne à Mediapro venant notamment d’être annulée pour défaut de présentation de garanties financières, et la décision en France prévoyant des possibilités de licences) jette néanmoins d’ores et déjà une ombre particulièrement déstabilisante sur le modèle français de financement du cinéma français.
Certains ne manquent pas de le souligner, à l’image de Vincent Maraval (Wild Bunch) qui a twitté mardi soir.
Une réaction coup-de-poing typique du personnage, mais qui montre bien que le coup de tonnerre Canal+ va susciter des débats plus qu’animés dans l’industrie cinématographique française et certainement entraîner très rapidement de profonds changements du panorama. Affaire à suivre…
Fabien LEMERCIER pour Cineuropa