Avec Disney, la plateforme Hulu rejoint les poids-lourds du streaming
La plateforme de vidéo en ligne américaine Hulu monte progressivement en puissance et pourrait devenir, à la faveur du rachat de Fox, le bras armé de Disney dans le streaming et un concurrent légitime de Netflix. Lorsqu’elle a démarré, en 2008, Hulu était censée être la réponse des géants américains du contenu aux nouveaux venus, Amazon, Netflix et les aventuriers de l’offre directe de vidéo sur internet.
[avec AFP]
Une absence de direction
News Corp, dont les activités dans l’audiovisuel sont aujourd’hui réunies au sein de 21st Century Fox, et NBC Universal avaient été ainsi, rapidement rejoints en 2009 par Disney, pour prolonger l’hégémonie des grands acteurs de la télévision dans l’ère du streaming.
Seul problème, Hulu n’avait pas de patron, avec aucun actionnaire à plus de 30 %. « Hulu n’avait pas de sens », considère Brian Wieser, analyste de Pivotal Research. Le groupe « était dirigé malgré lui ». Durant près de dix ans, la plateforme a végété, surtout alimentée par les séries déjà produites et diffusées ailleurs par ses actionnaires, mais avec très peu de programmes originaux.
Résultat, fin 2016, Hulu comptait 12 millions d’abonnés, quand Netflix, qui ne s’était tourné vers le streaming qu’en 2007, en avait près de dix fois plus.
2017 : année du grand tourant
Le vent a commencé à tourner en 2017, quand Hulu a créé un poste de responsable du contenu et débauché Joel Stillerman, le grand maître de la chaîne câblée AMC, qui a guidé Mad Men et Breaking Bad, puis lancé The Walking Dead, trois des séries les plus marquantes du XXIe siècle.
Des moyens propres sont débloqués, des projets ambitieux sont mis en chantier, et Hulu signe son premier hit, La Servante écarlate, qui rafle huit Emmy Awards, les récompenses de la télévision, en septembre dernier.
Mais le véritable tournant a été pris avec l’annonce, mi-décembre, du rachat par Disney de l’essentiel des actifs de 21st Century Fox, dont sa participation de 30 % dans Hulu, qui devrait faire du groupe californien l’actionnaire majoritaire, avec 60 % du capital. « Cela change la direction stratégique » de la plateforme, explique Daniel Ives, analyste au sein du cabinet GBH Insights.
40 % d’abonnés supplémentaires en un an
Le PDG de Disney, Bob Iger, a annoncé en décembre que le groupe prévoyait de faire d’Hulu la « destination » de tous les programmes non destinés aux enfants, qu’il s’agisse des studios Disney et Fox, de la chaîne ABC et des chaînes récupérées auprès de Fox, notamment FX.
Et ce, sans compter le contenu développé en propre et qui a déjà permis à la plateforme de gagner plus de 40 % d’abonnés supplémentaires en un an seulement, pour atteindre plus de 17 millions fin 2017.
Mardi, lors de la conférence téléphonique de présentation des résultats trimestriels de Disney, Bob Iger a même expliqué qu’une fois les actifs de Fox intégrés, le groupe ne ferait pas de pause et chercherait encore à étoffer son portefeuille de contenus pour alimenter ses divers canaux de diffusion.
Cette stratégie intégrée devrait pouvoir permettre de redresser les comptes d’Hulu qui, en l’état, a encore perdu plusieurs centaines de millions de dollars l’an dernier, a confirmé mardi la directrice financière de Disney, Christine McCarthy.
Un combat de poids lourds durant les prochaines années
« Cela va être un combat de poids lourds durant les prochaines années, avec Hulu dans un rôle central pour permettre à Disney de gagner des parts de marché (dans le streaming) face à l’empire Netflix », promet Daniel Ives. Aux Etats-Unis, et peut-être à l’étranger, ou Hulu ne s’est encore jamais aventuré.
Beaucoup anticipent néanmoins la sortie de Comcast, qui détient NBC Universal, du capital d’Hulu, pour pouvoir voler de ses propres ailes, explique Brian Wieser, ce qui priverait la plateforme de précieux contenus, le nerf de la guerre.
Autre incertitude, celle liée à la validité de la triple offre que veut proposer Disney à partir de 2019 :
- Hulu d’un côté,
- une plateforme vidéo pour les contenus familiaux et les programmes jeunesse de l’autre,
- et enfin une application dédiée au sport, pour valoriser l’importante production de Disney sur ce créneau avec ESPN.
Pour Brian Wieser, « en choisissant plusieurs angles d’attaque », Disney « se rendra compte de ce qui fonctionne ou non ».