Appel à des États généraux du festival Off d’Avignon
Les Actrices et acteurs de France associés (AAFA), les Écrivains associés du théâtre (E.A.T.), les Sentinelles, fédération de compagnies professionnelles du spectacle vivant et le Syndicat national des arts vivants (SYNAVI) appellent à des États généraux du festival Off d’Avignon, appel doublé de la désormais sempiternelle pétition à signer.
Profession Spectacle reproduit dans son intégralité leur communiqué.
Communiqué
La catastrophe est là.
La crise sanitaire due au Covid-19 provoque l’effondrement du festival Off d’Avignon 2020 et menace gravement sa survie à moyen terme.
Ainsi que toute crise, celle-ci éclaire d’une froide cruauté les innombrables fragilités du festival Off, colosse au pied d’argile : beaucoup de compagnies ne savent comment faire face aux coûts de production et de salaires, nombre d’artistes et de techniciens craignent le sacrifice de la rémunération et des heures de travail qui leurs sont indispensables, les théâtres ne savent pas comment rembourser leurs prêts ou payer leurs employés, les commerçants voient s’envoler un chiffre d’affaire vital, les spectateurs perdent ces moments d’épanouissements en même temps que les arrhes de leurs logements, les pouvoirs publics sont démunis. Un monumental désastre.
C’est le moment de faire évoluer le festival pour que ce ne soit plus « comme avant ».
Comme d’autres auparavant, nous l’affirmons depuis plusieurs années : le modèle économique et social du Off est obsolète, hors de tout cadre et de toute régulation.
Ce festival creuse sa propre tombe. Soumettre le travail des compagnies à la loi de l’offre et de la demande engendre trop d’inégalités et trop d’incertitudes, de tous ordres. Il pousse à prendre des risques démesurés, accentués par la pression croissante d’une bulle immobilière incontrôlée qu’il contribue à développer. La course au profit fait s’envoler tous les prix : les locations des théâtres, des logements, du matériel technique, les prix des places, de l’alimentation, des transports, ne cessent d’augmenter, mettant en péril d’effondrement le fragile édifice.
Bientôt, ni les artistes ni les spectateurs, ni même les programmateurs n’auront plus les moyens de s’y rendre.
Tous les signaux sont au rouge. Et dans ce festival sans gouvernance, sans entité administrative, lorsqu’une crise comme celle-ci advient, c’est la loi du sauve-qui-peut, après moi le déluge. Aucune coordination structurée ne permet de limiter les dégâts, de prévoir les accidents et de protéger. Tous les protagonistes sont démunis.
Et tous mettront des années à s’en remettre, quand ils ne mettront pas tout simplement la clef sous la porte, détruisant ainsi emplois et enthousiasmes.
Et pourtant.
Aucun festival de spectacle vivant ne rassemble en France davantage de talents, d’entrepreneurs, de créateurs.
Et pourtant.
Aucun festival de spectacle vivant ne voit circuler autant d’argent et d’investissements.
Alors ?
Avec tout cet argent et tous ces talents, pourquoi ne serions-nous pas capables d’inventer un mode de fonctionnement à la foi rentable ET juste ?
Pourquoi ne serions-nous pas capables de créer de nouveaux modes d’entraides, de solidarités ?
Comment se fait-il qu’aucune mutualisation des pertes ET des profits n’ait été mise en place ?
Comment se fait-il que nombre d’artistes, de techniciens, de saisonniers et d’emplois précaires ne soient pas, ou soient si mal rémunérés ?
Nous appelons à des États généraux du festival Off d’Avignon.
Ces États généraux auront pour but d’interroger le modèle économique du Off et de proposer des mesures concrètes pour le faire évoluer. Les idées ne manquent pas.
Ces États généraux ne pourront avoir lieu efficacement que s’ils voient une très large majorité de ses acteurs et partenaires s’y impliquer pour inventer ensemble les nouveaux visages du Off.
C’est pourquoi, parce que le festival Off d’Avignon est notre bien commun, nous appelons les responsables des lieux du OFF qui partagent ces inquiétudes et qui croient aux vertus du dialogue, à nous rejoindre. Rien de décisif ne pourra avoir lieu sans leurs idées, sans leur engagement.
Nous appelons l’ensemble des organisations impliquées dans le festival à nous rejoindre : associations professionnelles et mutualistes (ADAMI, SACD, SPEDIDAM, Audiens, Congés Spectacle, AFDAS, etc.), partenaires sociaux (syndicats, fédérations, organisations professionnelles), associations de commerçants, etc.
Nous appelons les programmateurs et les réseaux de diffusion à nous rejoindre.
Nous appelons la direction du festival « In » à nous rejoindre.
Nous appelons les pouvoirs publics (mairie, conseil général, conseil régional, préfecture, DRAC, Direccte, ministère de la Culture, ministère de l’Éducation Nationale, etc.) à soutenir ces États généraux et à y participer.
Nous invitons l’association Avignon festival et compagnies (AF&C) à s’impliquer pleinement dans l’organisation de ces États généraux, avec impartialité et dans la concertation, comme elle en a démontré la volonté depuis quelques mois.
Les États généraux du festival Off sont un immense chantier, nécessaire, qu’il est urgent de mener, dans le cadre plus large d’une réflexion sur l’organisation de la création et de la diffusion dans notre pays. C’est un chantier qui prendra du temps pour être mené à bien. Mais ce n’est qu’à ce prix que nous éviterons de nouvelles catastrophes.
Le festival Off existe et, en dépit de ses difficultés, témoigne de l’extrême vitalité du spectacle vivant ainsi que de son importance dans notre société. À ce titre, il mérite qu’on s’interroge sur ses améliorations.
Le festival OFF n’appartient à personne, il nous appartient à tous.
C’est tous ensemble que nous inventerons un festival plus juste, plus fraternel et, dans le même temps, faisons-en le pari, un festival encore plus créatif et plus beau.
C’est notre conviction d’acteurs du spectacle vivant.
C’est notre devoir de citoyens.
Signer la pétition : Appel aux États généraux du festival Off d’Avignon
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