« Casse-Noisette » : le conte féérique revient en France avec le ballet de l’Opéra de Kiev
Ballet légendaire et symbole de Noël, Casse-Noisette et la musique de Tchaïkovski ne cessent de susciter enthousiasme et admiration depuis plus d’un siècle. Pour la première fois depuis 1964, le prestigieux ballet de l’Opéra de Kiev revient en France, au théâtre des Champs-Élysées (Paris), du 23 décembre au 6 janvier 2019, à l’occasion des 150 ans de l’Opéra d’Ukraine.
Entretien avec Aniko Rekhviashvili, directrice du Ballet de l’Opéra National de Kiev.
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Vous avez signé différentes mises en scène, sur des musiques aussi diverses que le Boléro de Ravel, les Quatre Saisons de Vivaldi ou encore les Valses viennoises de Strauss. Quelle place occupe Casse-noisette, et plus généralement la musique de Tchaïkovsky dans votre travail scénique et chorégraphique ?
J’ai eu la chance de créer les mises en scène sur la musique de nombreux compositeurs célèbres, notamment Boléro de Ravel et les Quatre Saisons de Vivaldi. Ce travail m’a enrichi et confirmé mon désir d’avancer et de me connaître moi-même. Quant au ballet les Valses viennoises sur la musique de Strauss, je l’ai créé en 2001. Pour moi ce travail a été un vrai plaisir et a suscité des émotions tout à fait différentes de celles de la musique de Vivaldi et de Ravel. Bien sûr, j’ai créé les mises en scène sur la musique d’autres compositeurs aussi, tels que Sibelius, Prokofiev, Skoryk et d’autres. Casse-Noisette fait partie du grand triptyque qui comprend Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant et Casse-noisette. Ce ballet légendaire est devenu un témoignage des traditions déjà établies et une couronne de ballets dits monumentaux. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer l’évolution du ballet sans ce spectacle.
En 1997, vous avez fondé le ballet Kiev-Aniko, première troupe de ballet professionnel à présenter des chorégraphies contemporaines en Ukraine. La version de Casse-noisette que vous présentez, chorégraphiée par Valeriy Kovtun, s’inscrit nécessairement dans les pas de Marius Petipa et Lev Ivanov. Comment concevoir du nouveau à partir d’un ancien aussi fameux ?
Tout à fait, en 1997, j’ai créé le ballet Kyiv-Aniko, qui se distinguait de toutes les troupes existantes exclusivement par sa chorégraphie de l’auteur et par son style d’interprétation unique. À ce moment-là, c’était une expérience créative audacieuse. Ce travail aussi extraordinaire et intéressant est devenu la base pour diriger aujourd’hui la troupe du ballet de l’Opéra national d’Ukraine. En effet, nous présentons Casse-noisette chorégraphié par un brillant danseur et chorégraphe exceptionnel, Valeriy Kovtun. En tant que créateur, il a su combiner une attitude attentive à l’égard de l’héritage classique, en relation avec la chorégraphie de Petipa et Ivanov, et la possibilité d’adopter et d’introduire une interprétation audacieuse du spectacle. Considérant que les danseurs contemporains ont des moyens d’interprétation beaucoup plus virtuoses qu’à l’époque de Petipa, Kovtun a considérablement enrichi le texte chorégraphique. En même temps, une telle combinaison de tradition et de modernité n’est pas devenue une manifestation de l’éclectisme, mais a donné la possibilité à l’héritage classique d’exister dans l’espace créatif contemporain du ballet.
Beaucoup d’encre a coulé sur l’interprétation de cette histoire écrite par le comte d’Hoffman et revisitée par Alexandre Dumas, des spécialistes de la littérature jeunesse (Roger Caillois, Christian Chelebourg, Hélène Laplace–Claverie…) aux psychanalystes tels que Lacan. Quelle est la vôtre ?
Notre interprétation est fondée sur la version de Marius Petipa, sur la musique de Tchaïkovski, adaptée du conte d’Hoffman. Il nous semble que l’histoire, composée par ces génies, est la plus intéressante et satisfait les attentes du public du point de vue esthétique et émotionnel. Ce conte de fées incarné sur scène est l’histoire d’un amour rêvé, de prouesses pour lui et d’une confirmation de sa domination sur tous.
« Je ne croyais pas moi-même au succès de ce ballet », aurait dit Tchaïkovski le soir de la création au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, le 18 décembre 1892. Comment expliquez-vous cet engouement de plus d’un siècle, que vous constatez partout où vous vous produisez ?
La musique de Tchaïkovski est considérée la plus humaine et sensuelle. Elle est donc ressentie par le plus grand nombre de personnes au monde. Quant à Marius Petipa, il est un grand chorégraphe qui est devenu le premier directeur et chorégraphe parfait du ballet. Des scènes fantastiques créées par le chorégraphe Lev Ivanov sont également devenues les sommets de la chorégraphie figurative et émotionnelle. Une telle combinaison de talent réussie donne une telle popularité à ce spectacle, mais si on parle de Casse-noisette en général, son idée principale est une attente éternelle d’un miracle et un espoir d’un homme cherchant l’amour.
Vous fêtez les 150 ans de l’Opéra national d’Ukraine. Comment envisagez-vous votre mission, à la tête du prestigieux ballet lié à cette institution ?
Ma mission est de veiller au respect et la protection du patrimoine classique, des mises en scène intégrées au trésor du répertoire de l’Opéra national d’Ukraine, ainsi que de créer de nouveaux ballets contemporains inattendus et audacieux. Mais l’essentiel je crois, c’est que nos danseurs trouvent leur bonheur dans ce métier, qu’il y ait de grandes découvertes créatives dans la troupe, et que ce temps entre dans l’histoire comme incroyablement créatif, heureux, courageux et unique.
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
Crédits photographiques : Ballet de l’Opération national d’Ukraine (DR)
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