Album – « Broken Homeland » de Valparaìso : les fragments d’une errance chevauchée
Rassemblement d’artistes sous l’impulsion d’Hervé et de Thierry Mazurel, le nouveau groupe Valparaìso sort l’habité Broken Homeland (Zamora label), un premier album à la folk-pop rêveuse et au spleen contagieux. Ce mélange soigné nous plonge dans nos propres salles obscures, telle la bande-son d’images étranges et singulières. Valparaìso était en concert, le 21 novembre dernier, au Café de la Danse (Paris).
Dès les premières notes du titre d’ouverture, « Rising Tides », alors que les voix s’élèvent, nous sommes convoqués à une cavalcade mélancolique, à battre la plaine, les mains vides d’un refuge impossible, et à échoir à Valparaìso. C’est le nom de ce port chilien, cher à Pablo Neruda, que les baleines blessées de Jack the Ripper, des Hurleurs et d’Amor Belhom Duo, groupes dont sont issus les cinq instrumentistes, ont choisi pour ce nouveau projet.
Ils fondent les escaliers envoûtants et tortueux de ce voyage. Les voix invitées à s’y joindre, tour à tour déliées et juxtaposées, sont celles d’artistes de la scène indie française et internationale. Avec un casting de choix au générique de l’album : Stuart A. Staples (Tindersticks), Craig Walker (Archive), Rosemary Standley (Moriarty), Dominique A, Phoebe Killdeer (Nouvelle Vague), Blaine Reininger (Tuxedomoon), Howe Gelb (Giant Sand), Syd Matters, ou encore John Parish, producteur de PJ Harvey et du disque enregistré à Bristol.
À son écoute, on devient, à mesure que les cigarettes de payador se consument, prisonnier d’un exil volontaire, enchaîné à ces voix, à ces mélodies d’hommes et de femmes qui se traînent sans savoir vivre, nostalgiques d’une terre natale qui n’a jamais existé. On sera régulièrement saisi, on décrochera légèrement, parfois, pour se retrouver troublé à la fin. On voudra sans doute réécouter à nouveau « Fireplace », où la voix de Rosemary Standley parle, puis s’élève ou se vide, transperçant implacablement les murs sourds, comme la lame sous influence d’une dépossession de soi, à califourchon sur un SM soft et élégant.
En concert au Café de la Danse à Paris, le 21 novembre dernier, l’entrée sur scène de Valparaìso est précédée par le duo composé de Marion Cousin (guitare et voix) et Gaspar Claus (violoncelle), qui nous interprètent des chants du travail venus des Baléares. Cette première partie agite en nous des cordes profondes et laborieuses, que trucide délicatement l’archer de Gaspar Claus, le tout devant un public aux gestes encore sages et aux regards captivés.
Les instrumentistes de Valparaìso, avec Phoebe Killdeer et Sammy Decoster qui les accompagnent lors des concerts (rejoints plus tard, ce soir-là, par Dominique A), donneront à entendre, quant à eux, une musique live plus rythmée que les ballades de l’album. En arrière-plan, le mur en brique du lieu s’accorde parfaitement à l’atmosphère que déposent les sons qui s’élèvent. Au fil de la soirée, les couleurs se font plus chaleureuses. Des ampoules montées sur pieds et dispersées sur la scène s’allument, comme pour nous convier en ami, au fond d’un vieux café, à partager un moment intime. C’est enchanté que nous quittons la salle, avec des envies de fuir au galop et des mélodies qui trottent encore dans la tête.
Rémi STEMNING
Valparaìso, Broken Homeland, Zamora label, sortie le 22 septembre 2017
Album photo du concert au Café de la Danse
Crédits : Maïlys Gelin / Profession Spectacle