Aïcha Belaïdi, une pépite qui disparaît…
Entre Michel Delpech le 2 janvier et Michel Galabru hier, un troisième décès – dans la nuit du 3 au 4 janvier – est passé presque totalement inaperçu. Il faut dire qu’Aïcha Belaïdi (1968-2015) ne bénéficie pas de la même notoriété. Et pourtant, de nombreux jeunes issus des quartiers populaires lui doivent beaucoup : cette découvreuse de talents, une combattante à la vie chaotique, a fondé le festival « Les Pépites du cinéma » en 2007.
Un point de départ : les émeutes de 2005
« Après 2005, face au traitement médiatique des émeutes, une nouvelle génération a voulu montrer autre chose de ces quartiers […] C’est plutôt un cinéma métissé animé d’une urgence de témoigner sur un univers poétique. » (Aïcha Belaïdi, dans Le Parisien du 12 mai 2014)
Un aboutissement : le festival « Les Pépites du cinéma«
Né en 2007 à La Courneuve, et implanté à Saint-Ouen et à Paris, le festival multiplie la diffusion des films sélectionnés lors d’événements « hors les murs » : Marseille, Lyon, Nîmes, Montpellier, Nantes, Ivry Sur Seine, Sarcelles et – l’année dernière – Tanger.
Plus de 200 films ont été présentés depuis sa création. Ces trois dernières années, le festival a aidé, accompagné et diffusé des films tels que Faites le mur de Banksy, Women are Heroes de JR mais aussi Donoma de Djinn Carrénard, Rue des Cités de Carine May et Hakim Zouhani ou encore Rengaine de Rachid Djaïdani, films aujourd’hui reconnus par la critique nationale et internationale et notamment sélectionnés au Festival de Cannes.
« L’idée est née du constat que toute une génération de réalisateurs émergeants n’était pas diffusée en dehors du Net. Nous avons donc décidé de monter un festival dédié à la diversité ou plus exactement à toutes les diversités y compris la diversité des formats puisqu’on va pouvoir voir aussi bien des clips, des long-métrages, des teasers ou des courts. Tout ce qui émerge de la rue nous intéresse. Notre volonté est de mettre en avant le contenu c’est pourquoi il n’y a ni prix, ni parrain prestigieux. » (Aïcha Belaïdi, dans Regards, n°272, du jeudi 9 au mercredi 22 octobre 2008)
Un heureux prolongement : le programme Résidence de la Fémis
C’est également à Aïcha Belaïdi que l’on doit l’ouverture de la Fémis aux jeunes issus des milieux défavorisés. C’est sur son expertise que les dirigeants de l’institution cinématographique ont bâti, cette année 2015, le programme La Résidence, sur neuf mois, dont elle fut l’éphémère responsable.
De nombreux hommages lui sont rendus sur les réseaux sociaux et dans quelques rares médias, dans l’ombre en somme, la place qu’elle a toujours humblement choisie. Parmi les témoignages qui émergent, celui de Nadir Dendoune, sur Le Courrier de l’Atlas : « Aicha n’était pas très connue. Du moins du grand public. Mais pour beaucoup, elle était une star. Discrète mais rigolote. Bavarde mais on buvait ses paroles. Et puis aussi honnête. Sans détour. D’une franchise implacable. Qui te fait avancer à toute vitesse. Aïcha était douce aussi. Elle aimait materner les apprentis réalisateurs. Comme si ils étaient ses propres enfants. Mais contrairement à d’autres, elle avait préféré travailler dans l’ombre. Et grâce à elle, nombreux sont ceux qui se retrouvent aujourd’hui, sous les projecteurs… »
Profession Spectacle s’unit à la peine de sa famille et de ses proches, espérant que le bel exemple donné par Aïcha Belaïdi suscitera de nouvelles vocations au service des quartiers défavorisés et du cinéma.
Vanessa LUDIER