“Acid Cyprine” : le féminisme à l’épreuve des clichés
Comédie féministe par définition, Acid Cyprine nous surprend par sa créativité et son humour, par sa fraîcheur et l’interprétation des comédiennes, sans pour autant nous emmener au-delà des clichés que le spectacle abat méthodiquement les uns après les autres.
AVIGNON IN/OFF
Résumé – Quatre femmes sur scène, en rapport direct avec le public, s’interrogent sur les libertés des femmes d’aujourd’hui, les tabous, les clichés, les responsabilités des hommes et des femmes dans la perpétuation d’un système machiste.
Écrit ainsi (il s’agit d’un extrait de la présentation officielle du spectacle), ce résume fleure bon la caricature. Mais le nom de la compagnie, Sapiens Brushing, nous donne une indication plus sûre : l’autodérision se niche au cœur du propos, fût-il très sérieux. Pendant près d’une heure et quart, au théâtre de l’Oulle à Avignon, les quatre comédiennes nous offrent un condensé humoristique en tout genre, prenant à partie le public, parodiant les contes, se déguisant aussi bien en princesses qu’en pénis…
La première scène est pleine de promesses, invitant les spectateurs à la liberté (de rester ou de partir, non d’intervenir) et jouant sur les limites que l’on se met au nom des préjugés, des tabous et des freins psychologiques. Nous attendons alors un cynisme corrosif, qui ne viendra finalement pas. Mais au fil des scènes variées, des tableaux bien rythmés, nous sourions beaucoup, rions parfois, selon que l’on est ou non sensible à la destruction systématique des clichés.
Telle est la force de ce spectacle : l’énonciation, le contournement et l’abattage de tous les clichés, de manière non manichéenne. Toutes les attitudes sclérosées – des bourgeois et des banlieusards, des machistes et des féministes – sont méthodiquement abattues, avec du talent et une originale pertinence. Certaines scènes – celle du prince et des trois princesses, par exemple – nous offrent une franche rigolade.
Il y a néanmoins peu d’acidité dans cet Acid Cyprine : par-delà le rire, nous en restons à une déconstruction pure et simple des lieux communs. À aucun moment elles ne se mettent réellement en danger ni ne nous mettent mal à l’aise ; au contraire, nous souscrivons volontiers, facilement, à tout ce qui nous est proposé. Nous sommes entre nous, bien contents d’adhérer confortablement à ce qui est dit. Au cœur de cette créativité (vraiment) débordante, il aurait pu se glisser une complexité, une prise de position nuancée, suscitant un débat contradictoire. C’est probablement dû à une écriture de plateau qui vise – non sans succès – la phrase choc, le raisonnement par l’absurde, le comique de situation.
À la sortie de salle, il ne nous reste rien que nous ne sachions déjà. Pour autant, Stéphane Duperay, Clara Marchina, Pauline Woestelandt et Inès Lopez sont excellentes et nous avons passé un sympathique moment, du fait de l’inventivité et du souffle de ces saynètes enfilées comme un collier de perles comiques.
Spectacle : Acid Cyprine
Spectacle vu le mardi 20 juillet 2021 au théâtre de l’Oulle – La Factory (Avignon Off).
Création : 2019
Durée : 1h15
Public : à partir de 12 ans
Création collective au plateau
Mise en scène : Alexandre Pavlata
Avec Inès Lopez en alternance avec Claire Dosso, Stéphane Duperay, Clara Marchina, Pauline Woestelandt
Assistanat mise en scène : Ines Lopez
Lumières : Camille Coron
Compagnie : Sapiens Brushing
Crédits photographiques : Clément Tissot
Tournée
Du 7 au 31 juillet à 16h25 : La Factory – Théâtre de l’Oulle
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