ACH ! : ces artistes suisses qui secouent la diffusion théâtrale traditionnelle
Un collectif suisse d’artistes s’est créé en début d’année pour mutualiser la diffusion théâtrale. L’objectif consiste à faire connaître chacun des spectacles du groupe et de partager les carnets d’adresses. Ce pôle de diffusion veut aussi mener des actions communes pour renforcer la visibilité de chaque artiste auprès des programmateurs, en Suisse comme à l’étranger.
Bénéficier de la dynamique d’un groupe tout en se délestant des contraintes administratives. Tel est l’objectif de la plate-forme ACH !. Ce pôle de diffusion, créé en Suisse romande, réunit dix artistes confirmés, des metteurs en scène et producteurs de théâtre pour l’essentiel, mais aussi des musiciens.
Moins de communication, plus de création
Lancé en janvier 2019, le projet est né d’un constat. « Le marché est tout petit en Suisse, même s’il y a une forte densité théâtrale, commente Lorenzo Malaguerra, directeur du Théâtre du Crochetan et membre de ACH !. Sur le plan institutionnel, il y a la sélection suisse en Avignon. Il y a aussi d’autres dispositifs concentrés sur le théâtre contemporain et la performance, mais cela segmente le marché de façon importante. » Si le groupe ne défend pas une esthétique commune, ces artistes se sont réunis pour mutualiser leurs réseaux et leurs carnets d’adresses pour démultiplier leurs tournées, notamment en France.
Mais il s’agit aussi de se serrer les coudes. « Il est très compliqué d’être créateurs, de faire des répétitions tout en organisant des tournées et de s’occuper de la communication, poursuit Lorenzo Malaguerra. Cela nous permet donc de nous sentir moins seuls car le monde de la diffusion est énorme et sauvage. »
ACH ! permet ainsi de faire travailler le bouche à oreille. « Par exemple, je suis en ce moment en création à Limoges, illustre-t-il. J’en profite pour parler des autres metteurs en scène et pour faire connaître leurs productions. Chacun a la même démarche de son côté. Certains sont plus avancés que d’autres dans la diffusion interrégionale. Ils peuvent donc conseiller les autres. La mutualisation permet à chacun de consacrer moins d’effort à sa communication. Cela nous laisse le temps de prendre de la hauteur et de réfléchir à la suite. »
Organisation informelle
Les réseaux des uns et des autres permettent aussi de mieux choisir ses cibles. « En tant que directeur de théâtre, je me rends compte que sur les trente à quarante propositions que je reçois par jour, 80 % ne sont adaptées ni à la salle, ni au public, poursuit-il. La mutualisation des connaissances nous rend plus efficace et susceptibles d’élaborer des stratégies. » Le groupe entend aussi réaliser des échanges logistiques. Par exemple, les artistes partagent parfois les mêmes administrateurs. « Si un programmateur veut tel spectacle qui n’est pas disponible sur telles dates, nous en proposons un autre. Tout est centralisé sur le site. »
Pour l’instant, l’organisation de ACH ! reste très informelle. Si la démarche est inspirée de démarches de solidarité telles que les coopératives agricoles, ils ont opté pour le modèle de l’association. « C’était la forme juridique la plus simple et cela nous permet de demander de l’argent ! », s’amuse Lorenzo Malaguerra. Pour le reste, tout repose sur les échanges entre les membres du groupe. « Il n’y a pas de rencontres obligatoires. Tout se fait par le biais des plates-formes internet ou via WhatsApp ! Nous avons ensuite un calendrier avec l’ensemble des spectacle, tout est mis en commun. » Les artistes membres n’ont, pour l’instant, pas de cotisations à payer. Ils cofinancent seulement les services d’une attachée de presse basée en France.
Réunir les programmateurs
À l’avenir, les artistes ont l’intention de mener des actions communes. Il sera notamment question de faire venir des programmateurs étrangers sur des dates rapprochées afin de permettre le visionnage d’un maximum de spectacles. « Nous sommes aussi en train de démarcher le centre culturel suisse à Paris et nous essayons d’obtenir des bourses à l’étranger en tant que collectif. Le but, c’est d’utiliser la force du groupe pour se rendre visible. » ACH ! veut aussi créer un festival qui regroupe toutes leurs productions sur une semaine, à travers différents salles de Suisse romande.
Même si la plate-forme répond à des problématiques suisses, le principe reste reproductible, selon le directeur du Crochetan. « Dans le théâtre, tout le monde a le nez dans le guidon. Ce genre de groupement serait aussi utile dans d’autres territoires. Il y a beaucoup de concurrence dans le métier, c’est une autre façon de travailler qui mise sur la collaboration et sur la virtualité des réseaux. À l’heure du resserrement des finances publiques, nous avons voulu réfléchir à comment créer de l’emploi et faire évoluer le métier. »
À sa fondation fin novembre 2018, ACH ! Artistes Suisses – pôle de diffusion représente :
Martine Corbat (Genève)
Lionel Frésard (Jura)
Lorenzo Malaguerra (Valais)
Joan Mompart (Genève)
Thierry Romanens et Alexis Gfeller (Vaud)
Robert Sandoz (Neuchâtel)
Julien Schmutz (Fribourg)
Sylviane Tille (Fribourg)
Mali Van Valenberg (Valais)
Photographie de Une – Dom Juan ou le festin de Pierre de Jean Lambert-wild & Lorenzo Malaguerra.
Crédit : Tristan Jeanne-Valès