« À Tour de Rôle » avec Patrick Zimmermann et Stéphane Müh : quand plaisir rime avec rire
À partir de deux saynètes écrites par Pierre David-Cavaz, Patrick Zimmermann et Stéphane Müh propose un duo comique réussi, qui voit l’un et l’autre devenir, « à tour de rôle », le dominant et le dominé, le bon, la brute et le tuant. À voir en Avignon au théâtre du Petit-Louvre
Pourquoi faut-il que les spectacles essentiellement humoristiques n’excitent jamais ma plume, toute tentative d’écriture devenant une insurmontable gageure ? Le rire ne suscite jamais en moi de parole – simplement une émotion, la joie ou la déception d’un moment, évanouie sitôt le retour au réel amorcé.
Seulement le plaisir
Je ne vois guère de meilleure explication que celle donnée par Pierre David-Cavaz lui-même. Auteur et acteur, il écrit ces deux courtes pièces – Le pyjama en satin et La légion – en 2014 pour Stéphane Müh et lui, avant de mourir le 22 avril 2016, à seulement soixante ans. Il appartient à (l’excellent) Patrick Zimmermann de compléter désormais l’orpheline paire grenobloise, que Stéphane Müh prolonge comme un hommage, en signant également la mise en scène.
Revenons aux quelques mots écrits par Pierre David-Cavaz : « Cette pièce, je l’ai écrite… pour le plaisir. Aucune livraison de message, aucune volonté d’analyser, d’éclairer ou d’interroger… Seulement le plaisir. Et plaisir rime avec rire. Et ça, ça me plaît. »
Il y aurait évidemment la possibilité de développer longuement sur les faux-semblants, les artifices et les postures que chaque être humain adopte pour se tenir debout dans le monde contemporain. Nous pourrions revêtir un voile de sérieux en évoquant la mise en abyme théâtrale, le jeu dans le jeu, qui constitue l’artifice axiomatique de la première pièce, à la manière d’un Jean-Paul Alègre dans Jeux de planches. Il est toujours facile de gagner ses galons intellectuels avec quelques critiques soucieux de conserver une posture mandarine – et Dieu sait que je n’y échappe généralement pas.
Deux comédiens à l’aura impressionnante
À Tour de Rôle est plus simple, plus franc et spontané, n’embrassant en rien la dimension tragique du clown, bien que certaines facéties s’en approchent : « Et plaisir rime avec rire ». Nous rions, beaucoup, grâce aux performances étonnamment complémentaires de Patrick Zimmermann et Stéphane Müh, qui déploient une impressionnante palette de jeu, de tons et – plus curieux – de visages, en un battement de répliques, si bien rythmées. Chacun des deux comédiens est fort, très fort, remplissant la scène de son aura qui, fait rare, n’écrase jamais celle de son partenaire – au contraire, elles semblent comme s’accroître harmonieusement.
Il n’y a guère de temps mort ni de prétention dans ces deux textes, différents, complémentaires, sinon cette ultime minute finale – facilement excusée – qui donne soudain à la pièce un p’tit coup de bonne morale universelle. Mais qu’on ne s’y attarde pas : les cinquante-neuf minutes qui précèdent furent et restent un vrai plaisir.
Nous ne parlons certes pas de chef-d’œuvre, mais d’un élan d’hilarité spontané. Pierre David-Cavaz ne nous a pas menti.
Spectacle : À Tour de Rôle
- Création : 2014 (octobre 2016 dans la présente version)
- Durée : 1h
- Public : à partir de 13 ans
- Texte : Pierre David-Cavaz
- Mise en scène : Stéphane Müh
- Avec Patrick Zimmermann et Stéphane Müh
- Scénographie : Stéphane Müh
- Création Lumière : Karim Houari
- Décors : Charles Boinot, avec les ateliers de construction de la ville de Grenoble
- Compagnie : Cie Müh
- Diffusion : Élodie Kugelmann au +33 6 62 32 96 15 et elodie.kugelmann@wanadoo.fr
Crédits de toutes les photographies : Karim Houari
Crédits affiche : Isabelle Santos
.
En téléchargement
.
Tournée
– 6-29 juillet : Le Petit-Louvre à Avignon à 14h25
Découvrir toutes nos critiques de spectacles