Le son binaural : l’innovation technique qui révolutionne la créativité artistique

Le son binaural : l’innovation technique qui révolutionne la créativité artistique
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La première décennie du XXIe siècle a été celle de l’immersion visuelle avec la 3D au cinéma et à la télévision. Place aujourd’hui aux prémices de l’immersion sonore avec le système d’écoute binaural ou son 3D. Si certains cinémas ont déjà intégré le son 3D, il reste encore aux artistes de faire sienne cette innovation technique qui pourrait décupler leur créativité. Profession Spectacle a rencontré Hervé Déjardin, ingénieur du son travaillant au développement du binaural.

Si cette évolution est aujourd’hui peu relayée et peu (re)connue, des techniciens travaillent à démocratiser ce système qui pourrait permettre une plongée incroyable, notamment dans les univers musicaux et cinématographiques, leur donnant une ampleur encore jamais atteinte.

Le binaural : « notre écoute au naturel »

Hervé Déjardin en fait partie. Ingénieur du son et détaché au service qualité/innovation de Radio France, il travaille sur l’audio immersif et binaural, notamment au sein du projet NouvOson. Etat des lieux d’un système qui pourrait prendre son essor dans les années à venir.

Hervé Déjardin donne une définition bien simple du binaural : « c’est notre écoute au naturel ». Tout repose sur le fonctionnement du système auditif qui analyse l’environnement en trois dimensions. Pour localiser les sons dans l’espace, notre cerveau utilise la déformation des ondes acoustiques engendrées par notre morphologie. Cette morphologie engendre des perturbations sur l’onde avant qu’elle pénètre dans nos conduits auditifs : différences de temps, d’intensité et de spectres. Chaque individu possède une morphologie différente. Si les variations sont donc différentes d’un individu à un autre, il existe néanmoins de grandes familles d’individus, ce qui va permettre à terme de se rapprocher de la morphologie de chacun.

L’être humain bénéficie par ailleurs d’une plasticité cognitive : le cerveau possède cette capacité à réapprendre, à s’adapter. Si bien que si on établit des catégories de profils, le cerveau sera capable de se réadapter malgré les petits défauts.

La plateforme NouvOson encode en binaural sur son player ; celui-ci permet de s’adapter aux morphologies de chacun, en choisissant parmi sept fonctions de transfert. Selon des chercheurs d’Orange Lab, cette possibilité devrait satisfaire l’essentiel de la population européenne.

Un système qui n’ajoute aucune contrainte

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’enregistrement binaural (ou 5.1) ne requiert pas de contraintes supérieures à un enregistrement traditionnel. Il existe deux techniques d’enregistrement en binaural : le binaural natif et le traitement en postproduction.

La première est simple et rapide. On place un micro dans chaque oreille d’un mannequin à taille humaine et on enregistre. Ce système permet de reproduire l’effet pavillon de l’oreille et l’écoute à 360 degrés. L’inconvénient est, qu’une fois la prise de son faite, on ne peut plus la modifier ni travailler dessus.

La deuxième consiste à enregistrer en mono, en stéréo ou en multicanal, comme un enregistrement traditionnel ; les sources sont ensuite « virtualisées » en postproduction. En reproduisant le filtrage de la morphologie humaine, le signal mono de base est dupliqué dans l’oreille gauche et dans l’oreille droite. L’avantage de ce travail est que l’on peut reconstruire l’espace comme on le veut, avec des plugins de binauralisation peu coûteux.

Le binaural pour une immersion maximale

Si ce système n’existe aujourd’hui en France que via la plateforme NouvOson et certaines émissions de radio, l’intérêt d’une telle innovation est évident pour l’audiovisuel. Il donnerait, par exemple, au cinéma une capacité d’immersion maximale. On peut le constater avec cette revisite du chef-d’œuvre Elephant de Gus Van Sant, enregistré en binaural, qui plonge l’auditeur au cœur de la tuerie de Columbine.

Un travail sur la spatialisation du son est déjà en cours d’élaboration avec la technologie Dolby Atmos, qui reproduit le son 3D pour le cinéma. Les salles Pathé Wepler et Beaugrenelle à Paris, les Mégarama de Bordeaux, Lons-le-Saunier et Besançon, le Vox à Strasbourg ou encore le Cinéland de Saint-Brieuc en sont notamment équipés. Le phénomène a déjà atteint près d’une quarantaine de villes en France en à peine trois ans.

Globalement, le binaural est en cours de développement commercial. « C’est en train d’arriver à grands pas », commente Hervé Déjardin. Il nous souffle également que 2016 verra apparaître de plus en plus de solutions pour écouter en binaural, comme des casques équipés de « head tracker » : il s’agit d’un capteur fixé en haut du casque qui prend en compte les positions de l’auditeur. C’est donc le récepteur (smartphone, tablette…) qui fait l’encodage binaural, et non la plateforme audio. Ce serait un grand progrès pour l’amélioration de la qualité de rendu du son binaural.

Découpler la créativité artistique grâce au son binaural

Si l’élaboration du son binaural évolue donc rapidement, Hervé Déjardin insiste sur le fait qu’il connaîtra un vrai essor à partir du moment où il sera « complètement adapté à la réalité augmentée, à l’immersion et à la virtualisation ». La difficulté principale aujourd’hui est de développer des solutions de production et de postproduction très simples et accessibles au plus grand nombre. On sait fabriquer du son 3D, l’enregistrer, le rendre interactif dans un milieu fermé comme une application mobile… Bref, on possède tous les outils mais le problème est sa démocratisation.

Cette démocratisation passe par une accessibilité plus grande, mais aussi par la volonté des artistes, compositeurs et réalisateurs d’intégrer l’espace à leurs productions. La difficulté est d’aider les musiciens à faire sens de l’espace et à l’utiliser dans le cadre de leurs créations, afin de donner encore plus de possibilités d’écritures à l’artiste.

Une technologie simple d’accès et abordable financièrement

L’avantage est que tout est relativement simple d’accès. Les outils de spatialisation sont abordables. Noise Makers a notamment conçu un « Binauralizer », plugin que l’on peut trouver à seulement 89 €. Les plugins « Wave », pour le traitement des effets, viennent de sortir un simulateur de 5.1 pour casque avec un head tracker équipé d’une caméra en promotion à 45 $.

C’est donc le futur qui est en train de se construire dans les locaux de Radio France. Le travail sur la spatialisation est lancé depuis de nombreuses années mais risque bien de connaître une nouvelle évolution d’ici quelques années, voire quelques mois. Par sa qualité d’immersion, le système binaural pourrait être une avancée spectaculaire pour les sphères artistiques de toutes sortes… si celles-ci veulent bien en être les actrices.

Hugues MAILLOT

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