Ciné-ma différence : « On devrait tous se sentir le bienvenu dans une salle de cinéma »
Nicolas Guéchot est le président de l’association « Ciné-ma différence » dont le but est de donner aux personnes autistes ou polyhandicapées, la possibilité d’aller au cinéma, comme et avec tout le monde, grâce à des séances adaptées. Ciné-ma différence a récemment fêté ses dix années d’existence. Rencontre.
Comment vous est venue l’idée de cette association ?
L’accès au cinéma, premier loisir culturel, est refusé de fait aux personnes dont le handicap entraîne des troubles du comportement. Le premier applaudissement à contretemps, le premier cri ou rire « bizarre », déclenche des regards puis des réflexions souvent agressives. Celles-ci font vite sortir de la salle la famille qui avait osé se risquer dans un lieu public avec une personne ayant ce type de handicap. J’ai moi-même un enfant handicapé : c’était pour nous très dur de l’emmener au cinéma quand il était jeune. Il y a dix ans, avec deux autres parents, nous avons entendu parler d’une expérience qui s’appelait Ciné-Bébés et nous nous sommes dit que nous pouvions l’adapter à notre situation.
Quelles sont les principales actions de Ciné-ma différence ?
Nous développons le réseau Ciné-ma différence en assurant l’accompagnement des créateurs de nouveaux dispositifs (villes, associations, cinémas), la formation, la logistique, le site internet, les partenariats avec les distributeurs. Pour nous y aider, nous avons mis en place une charte et une boite à outils. Aujourd’hui nous sommes suivis par 39 cinémas partenaires et avons projeté depuis 2005 plus de 1100 films pour 73 000 spectateurs. L’élément moteur du dispositif sont les bénévoles – actuellement 310 – qui accueillent avec bienveillance et informent les spectateurs sans handicap de la présence d’un public particulier. Lorsque nous informons ces spectateurs en amont, ils comprennent pourquoi des gens ont, dans la salle, des réactions différentes et ils l’acceptent. En 2015, nous avons également réalisé un spot de sensibilisation en faveur du cinéma pour tous, qui est passé dans les salles de cinéma et sur les chaînes de télévision. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par l’Agence TBWA\Paris qui a conçu le film et assuré le suivi jusqu’à la réalisation et la diffusion.
Dans le rôle de, film de sensibilisation réalisé à l’occasion des 10 ans de Ciné-ma différence
Comment se passe une séance de cinéma adaptée ?
Lors d’une projection, les adaptations techniques dans la salle de cinéma consistent notamment à éliminer la publicité et à démarrer tout de suite le film ; les personnes handicapées, qui souffrent de troubles du comportement, ont en effet parfois du mal à attendre. La lumière de la salle s’éteint doucement pour être sûr qu’il n’y ait pas soudainement le noir complet. De la même façon, nous baissons beaucoup le son par rapport à une projection normale, ce qui attire d’ailleurs un public non-handicapé qui ne vient que pour cela. Quand la version existe, nous passons le film avec un sous-titrage français, ce qui permet aussi aux personnes malentendantes de pouvoir suivre le film. Mais l’essentiel de l’adaptation repose sur l’accueil humain et l’information du public.
Quels sont les projets à venir pour l’association ?
En 2016, notre association, dont la marraine est l’actrice Sandrine Bonnaire, va se lancer dans un projet de formation à l’accueil en e-learning et solliciter nos partenaires institutionnels pour l’adaptation des dispositifs scolaires d’accès au cinéma aux enfants et jeunes en situation de handicap. Comme il y a beaucoup d’associations ou de cinémas qui font appel à nous en ce moment, nous avons une réflexion sur la création d’une charte qui permettrait de développer de manière plus large un concept d’accueil adapté.
Propos recueillis par David RAYNAL
Pour en savoir plus : site de Ciné-ma différence.