Les « Mardis Midi » : un texte neuf dans un corps neuf
Vivier de la créativité émergente, les « Mardis Midi » sont un événement mensuel favorisant la rencontre d’un auteur avec un jeune metteur en scène. La formule est originale : il n’est pas question de pièces entièrement montées, avec entrée payante, mais de mises en maquettes de textes inédits, offertes au public, sur simple réservation.
Mardi 22 septembre 10h30 – J’arrive à Paris et m’apprête à regagner paisiblement mon bureau, quand je me souviens soudain d’une invitation reçue il y a quelques jours : une pièce d’Ingrid Boymond, Les Miettes, mise en maquette par la jeune metteuse en scène Elsa Robinne. Je ne connais ni l’une ni l’autre ; j’ignore même ce que sont les « Mardis Midi », nom de l’événement organisé par le Théâtre 13 / Seine et les Écrivains Associés du Théâtre (EAT). L’événement est à midi, il est encore temps de m’y rendre.
Une rencontre inédite
Sur un texte difficile, drôle et cynique, Elsa Robinne propose une maquette de grande qualité, qui non seulement respecte le propos d’Ingrid Boymond, mais le sert par des apports originaux et créatifs. À la crudité des dialogues répond la nudité des acteurs : si le rapprochement entre les deux n’est pas nouveau et peut sembler convenu a priori, l’effet obtenu est saisissant. La violence des rapports humains trouve ici une expression impitoyable. Elsa Robinne confesse elle-même, à l’issue de la représentation, que ce choix de mise en scène était une première pour elle et pour sa troupe.
Tel est bien l’objectif des Mardis Midi : permettre à des textes nouveau-nés de trouver vie ; offrir l’opportunité à de jeunes metteurs en scène de manifester leur créativité. Il y a bien une rencontre, qui rend raison de la signature de l’événement : « Quand l’auteur rencontre le metteur en scène ».
Une manifestation phare
« Cette manifestation est organisée par les Écrivains Associés du Théâtre ; c’en est même l’événement majeur, puisqu’il a traversé toutes les présidences depuis sa création en 2002 », raconte Philippe Touzet, actuel président des EAT. Les Mardis Midi célèbrent donc leur treizième année au Théâtre 13, comme un clin d’œil du destin. « Nous n’avons toutefois pas commencé là, mais au Théâtre du Rond-Point, poursuit l’auteur dramatique. Si Louise Doutreligne est à l’initiative des EAT et des Mardis Midi, c’est toutefois Jean-Michel Ribes qui en fut le premier président ; il était important qu’une personnalité reconnue donne au projet une impulsion forte. Nous nous sommes installés au Théâtre 13 / Seine il y a deux ans. »
En douze éditions, plus de deux cents auteurs eurent ainsi l’opportunité d’entendre leur voix portée sur la scène, et autant de metteurs en scène pour les exprimer. Comment se fait la sélection ? « Les textes sont sélectionnés par notre comité de lecture, ainsi que d’autres partenaires, explique Philippe Touzet. Les lecteurs ne connaissent pas le nom des auteurs et sont invités à procéder à une sélection progressive. Le résultat est surprenant de diversité ! » À terme, les manuscrits sont librement proposés aux jeunes metteurs en scène issus du Prix Théâtre 13/Jeunes metteurs en scène ou qui sont étudiants en troisième année de L’École Supérieure d’Art Dramatique à Paris (ESAD).
Au service des émergents
Si l’entrée est libre pour les spectateurs, le spectacle n’est pas gratuit : « Nous mettons un point d’honneur à valoriser les jeunes artistes, en réglant les droits d’auteur d’une part, en rémunérant les prestations d’autre part. Nous bénéficions pour cela du soutien de plusieurs acteurs du spectacle vivant, à commencer par la SACD. »
Une telle organisation interroge sur la pérennité des maquettes proposées. Si les maquettes peuvent se contenter d’être une prestation d’un jour, il arrive souvent que des pièces donnent lieu à une collaboration au long cours, avec des représentations à Paris, Avignon… Ainsi en est-il de À mon âge je me cache encore pour fumer, pièce de Rayhana mise en maquette, puis en scène par Fabian Chappuis. Après une quarantaine de représentations dans la capitale française, la troupe est partie en tournée dans toute la France et au Liban : le texte a aujourd’hui été traduit en plusieurs langues et a fait l’objet d’une adaptation pour le cinéma.
Nous nous prenons à souhaiter maintenant que la prometteuse Elsa Robinne mette réellement en scène la pièce d’Ingrid Boymond.
Pierre GELIN-MONASTIER