La lettre de Paolo Nani : le langage du rire

La lettre de Paolo Nani : le langage du rire
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Une ambiance mimodramatique servie par un comédien irréprochable. La mécanique est huilée : nous sommes programmés pour rire… et nous rions !

Il entre brusquement, sans l’ombre d’une hésitation, et nous adresse la parole… Nous ne comprenons rien. Une mimique plus tard, nous sourions déjà. Il se tourne vers les coulisses et recommence : la langue change, l’incompréhension demeure. Mais le sourire s’élargit, jusqu’au premier rire. Il nous prend peu à peu et ne nous lâche plus pendant tout le spectacle.

Il n’y a pourtant aucun apport technologique, ni décor impressionnant, ni effets de lumière : l’histoire même ne varie pas. Au contraire, elle est répétée, déclinée, déformée à quinze reprises, comme un film muet, d’horreur ou un western, par un comédien qui tantôt ne peut plus utiliser ses mains, tantôt évolue à l’envers. Le principe n’est pas nouveau pour un hexagonal ; le procédé même lui a sans doute été inspiré par l’un des ouvrages les plus célèbres de l’écrivain français Raymond Queneau : Exercices de style (1947).

Une lettre à la portée de tous

La logorrhée introductive laisse rapidement place aux seules onomatopées, entre pantomime et théâtre : Paolo Nani développe une gestuelle diversifiée, un jeu scénique à la fois subtil et caricatural qui permet au spectateur d’entrer dans ses mondes successifs. Si nous pouvons déplorer quelques facilités ici et là, l’ensemble est rythmé, parfaitement maîtrisé et remarquablement exécuté. Il n’est qu’à écouter le public qui, du plus jeune au plus âgé, est secoué par les rires. Telle est la force de La Lettre : toutes les générations s’y retrouvent et se laissent gagner par sa fraîcheur. En l’absence de parole, ce spectacle recherche un langage universel, propre à l’homme, non celui profond du cœur, mais celui convivial des zygomatiques.

La recherche d’universalité est une quête inscrite dans l’existence même de Paolo Nani : né à Ferrara (Italie) en 1956, formé au célèbre Teatro Nucleo de Cora Herrendorf et Horacio Czertok, il s’est installé au Danemark au début des années 1990. Il faut croire que les contrées septentrionales lui réussissent puisque La Lettre, créé en 1992 avec Nullo Facchini, directeur de Cantabile 2, est le spectacle danois le plus joué dans le monde, avec déjà plus de mille représentations. Acclamé aux quatre coins du monde, Paolo Nani fait salle comble depuis quatre ans à Avignon, au théâtre de la Luna puis à celui des Lucioles.

Pierre GELIN-MONASTIER

Avis technique

S’il y a des coûts importants autour de ce spectacle, ils ne viendront pas du décor – une table et une chaise – ni de la mise en scène : c’est à se demander s’il faut un régisseur ! Paolo Nani n’use que peu d’effets sinon les siens, gestuels. En revanche, le comédien vit au Danemark : le paiement de son trajet depuis Copenhague jusqu’à Paris, puis ceux qu’il aura à faire en France même, est à prévoir dans le budget ; le mieux serait évidemment que plusieurs théâtres et salles intéressés se concertent pour organiser une tournée. À noter enfin que le comédien demande la nourriture et l’hébergement pour trois personnes (trois chambres simples).

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