Le Collectif des festivals : un bel exemple de mutualisation au service des festivals en Bretagne
Le Collectif des festivals est une belle initiative bretonne en même temps qu’un exemple de mutualisation en France : développement durable, sécurité, investissements étrangers, droits culturels… Tout est en chantier, au service des 31 festivals qui constituent ce collectif. Rencontre avec sa directrice, Maryline Lair.
Fondé en 2005 à l’initiative de quelques festivals bretons, le Collectif des festivals rassemble aujourd’hui trente-et-une manifestations aux quatre coins de la Bretagne. L’enjeu ? Mutualiser les ressources afin de proposer des solutions adaptées, tant sur le développement durable que sur des problématiques telles que la sécurité, les investisseurs étrangers et… les droits culturels.
Lors du dernier Forum Entreprendre dans la culture, organisé aux Beaux-arts à Paris, une table ronde était organisée par l’association Opale sur l’importance de l’association dans le monde artistique et culturel. Conclue vigoureusement par le chercheur Jean-Louis Laville, ainsi que Profession Spectacle s’en est déjà fait l’écho, elle rassemblait Claire Crozet, chargée de production pour le collectif Bazarnaom, Sophie Gastine, codirectrice de Musiques au comptoir à Fontenay-sous-Bois, et Maryline Lair, directrice du Collectif des festivals.
Nous avons rencontré Maryline Lair à l’issue de ce débat.
Entretien.
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Comment est né le collectif des festivals ?
Nous sommes une association bretonne née en 2005 à l’initiative de six festivals de la région. Il y avait alors une envie d’échanger ensemble sur la production et son évolution. Les responsables de ces événements ne se considéraient plus uniquement comme des programmateurs, mais assuraient également la logistique, la mise à disposition d’espaces de travail, la possibilité de dialogues entre artistes… Il y avait donc une urgence à structurer tous ces enjeux, de sorte que ce soit fait le mieux possible. D’autres questions émergeaient par ailleurs, telles que la mobilité ou le développement durable. Les six festivals se sont ainsi réunis pour penser différemment leurs modes de production, dans une perspective de développement durable – qui est véritablement l’ADN de notre collectif, encore aujourd’hui.
Quelles sont vos missions de mutualisation ?
Cela a évolué dans le temps puisque, au tout début, nous étions surtout un lieu d’échanges entre les festivals. À l’origine, nous n’avions pas d’expertise sur les liens entre festivals et développement durable. Ce n’est que petit à petit que nous avons construit nos ressources et expérimenté différentes choses. L’association a grandi si bien qu’aujourd’hui nous sommes quatre salariés, avec un travail d’accompagnement – sur un temps long et toute l’année – de nos festivals adhérents, au plus près de leur organisation et de l’équipe de production. Nous sommes dorénavant un outil qui produit de la ressource : un site internet propose par exemple de nombreuses fiches pratiques, qui répondent à des questions aussi bien globales que techniques. Enfin, nous proposons depuis peu différents dispositifs de formation.
Le choix d’être une association de festivals uniquement bretons est-il volontaire ou naturellement lié à l’évolution historique du collectif ?
C’est la proximité géographique des festivals qui a fait naître l’association. Nous proposons nos services gratuitement ; c’est pourquoi nous sommes presque entièrement subventionnés, essentiellement par la région Bretagne et par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en Bretagne. Nous avons eu des demandes extérieures, notamment venant de Normandie, mais il faudrait déjà que nous arrivions à répondre à toutes les nombreuses demandes qui nous sont faites en Bretagne, ce qui n’est pas le cas.
Pourquoi avoir choisi la forme associative et non un statut coopératif tel qu’une SCIC ou une SCOP ?
Même si le projet est né il y a quinze ans, nous ne sommes une association que depuis dix ans. Je pense que la question, à cette époque, ne s’est tout simplement pas posée. Nous avons naturellement choisi le format associatif. Les SCIC et SCOP n’étaient alors que peu connues dans le milieu artistique – méconnaissance qui perdure d’ailleurs encore aujourd’hui. Dans notre travail, je trouverais en effet pertinent de créer un outil d’accompagnement qui permette une meilleure compréhension des différents statuts juridiques, afin de répondre le mieux possible aux besoins.
Dans votre intervention lors de la table ronde organisée par l’association Opale, vous avez évoqué deux qualités du statut associatif : la simplicité et la souplesse. En quoi consistent ces avantages ?
La souplesse associative ne consiste pas à faire ce que l’on veut, mais à mettre en place l’organisation que l’on souhaite. En matière de gouvernance par exemple, et contrairement aux idées reçues, il n’y a aucune obligation à avoir un président, un trésorier et un secrétaire, ou encore un bureau et un conseil d’administration. La loi 1901 tient en une page ! Elle demande deux personnes, c’est tout. Il y a également de nombreuses possibilités coopératives au sein même de l’associatif, en intégrant au conseil d’administration – s’il y en a un – des salariés, des bénévoles, des acteurs locaux… bref, qui on veut. La souplesse est également visible pour ce qui concerne les financements. C’est cette souplesse qu’on n’utilise pas à la hauteur de ses potentialités… et c’est précisément le travail du Collectif des festivals d’éclairer sur une telle problématique.
Vous avez notamment souligné, dans votre intervention, une problématique actuelle : le rachat des festivals par de grands groupes américains. Quelle est la situation en Bretagne ?
La Bretagne est à ce jour préservée, mais il y a des inquiétudes croissantes, liées à la précarité financière de certains festivals qui ont du mal, depuis quelques années, à équilibrer leur budget. Les frais artistiques augmentent, si bien qu’ils n’arrivent plus à suivre. Après une, deux, voire trois années à perte, la question devient : quelle est la capacité à résister à un investisseur ? Pour ne rien vous cacher, il y a déjà un gros festival qui s’inquiète… d’où la nécessité de travailler aujourd’hui à cette problématique.
Quelles sont les autres défis auxquels vous êtes confrontés ?
Il y a une problématique qui questionne nos adhérents et sur laquelle nous travaillons, c’est tout ce qui concerne les ressources humaines, les liens entre bénévoles et salariés, les modes d’organisation et de gouvernance, la transmission entre responsables… Ces interrogations sont notamment nées du fait que les collectivités interrogent les festivals sur les droits culturels, sur leur respect et sur ce qui a été mis en place à ce sujet. Enfin, dernier défi propre à notre temps : la sécurité et son incidence sur les modèles économiques.
Vous évoquez la question des droits culturels, qui constituent une des lignes éditoriales majeures de notre journal. Comment comprenez-vous ces droits culturels et quelles sont les initiatives proposées par le Collectif des festivals ?
J’avoue ne pas comprendre encore ce que sont exactement les droits culturels. C’est pourquoi nous échangeons beaucoup avec l’association Opale qui intervient régulièrement ou nous donne des contacts précieux lors des rencontres professionnelles que nous organisons. Cela fait un an que nous avons mis le sujet des droits culturels au cœur de nos travaux. Nous avons commencé par des formations en lien avec la région Bretagne, qui a une doctorante en contrat CIF sur cette question. Nous avons également invité nos festivals à participer à une formation – de quatre à cinq jours au total – organisée en partenariat avec la région, le département et la ville de Rennes [lire aussi notre entretien avec Benoît Careil, adjoint à la culture à Rennes]. Enfin, nous avons commencé à mettre en place des ateliers. Mais est-ce assez ? Car ce qui est assez compliqué pour nous, c’est que nous mettons autour de la table des réalités différentes, de l’équipe des Trans, constituée depuis cinq ans et liée à une ville précise, à la présidente des Bordées de Cancale, qui est à la retraite. C’est tout l’enjeu du collectif qui compte aujourd’hui trente-et-un festivals, soit trente-et-une personnalités différentes. L’objectif est bien d’avancer ensemble. Mais la notion des droits culturels semble difficilement appropriable, de manière concrète et non plus conceptuelle, à ce stade de notre travail.
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
En savoir plus : le Collectif des festivals
Photographie de Une – Maryline Lair, directrice du Collectif des festivals (crédits : Pierre Gelin-Monastier)