18 mai 1917 : petit délire poétique de Cocteau qui laisse… sur le cul (si !)
Instant classique – 18 mai 1917… 102 ans jour pour jour. C’est Jean Cocteau qui propose au début des années 1910 à Diaghilev, tout-puissant patron des Ballets russes une nouvelle idée de ballet, Parade, qui représenterait en quelque sorte la lutte de la poésie contre l’absurdité cruelle du monde moderne.
L’irruption de la terrible et non moins absurde Première Guerre mondiale ne met pas fin au projet, bien au contraire. La musique du ballet est confiée à Erik Satie, personnage controversé, fascinant et excentrique, tandis que les décors et costumes sont commandés à Picasso. Ce dernier réalisera ainsi l’immense rideau de scène, sa plus monumentale œuvre peinte puisqu’elle fait 160 m².
La partition ne pouvait pas manquer de renverser les oreilles et chapeaux des premiers auditeurs, il y a tout juste cent deux ans. On y entend certes l’habileté rythmique et les merveilleuses idées mélodiques de Satie. On y entend aussi force dissonances, de même que des instruments assez inattendus : sirènes d’usine, machines à écrire etc.
Apollinaire, qui écrit dans le programme de salle, parle de spectacle littéralement « sur-réaliste » et on sait ce que ce mot, bientôt, va vouloir dire.
La première, au théâtre du Châtelet, est un four mémorable. Un beau scandale, en pleine guerre. Un critique vient pourtant féliciter Satie, avant de le flinguer dans les grandes largeurs dans son journal du lendemain. Satie ne se démonte pas et lui écrit : « Monsieur et cher ami, vous n’êtes qu’un cul, mais un cul sans musique ». Il sera lourdement condamné pour l’insulte mais tout finira pas s’arranger (un peu).
Voici un vieil enregistrement particulièrement bien dirigé par Igor Markevitch, qui donne malgré le son monophonique une très bonne idée du foisonnement un peu délirant de ce court ballet.
Un jour… une œuvre musicale !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »