“Submission” d’Adi Boutrous : la soumission comme issue au conflit
Submission d’Adi Boutrous était présenté au théâtre des Abbesses fin janvier. Entre joie et concentration, entre tension et lâcher prise, cette création est pleine de richesses, puissante : une proposition à laquelle il est bon de se soumettre.
Pour sa nouvelle création, Adi Boutrous investit le théâtre des Abbesses pour seulement trois représentations. Avec Submission, il nous offre deux duos, l’un masculin et l’autre féminin. Avec une approche physique, ce spectacle questionne sur l’identité sexuelle et jongle avec brio entre la douceur et la violence. La recherche corporelle subjugue tout simplement ; elle puise et explore les possibles d’une danse à deux. Entre joie et concentration, entre tension et lâcher prise, cette création est pleine de richesses, puissante : une proposition à laquelle il est bon de se soumettre.
À travers ses deux duos, Submission transcende les limites des corps. Le mouvement des deux danseurs ou des deux danseuses se diffuse d’un corps à l’autre avec une telle continuité et fluidité que les frontières physiques semblent ne plus exister. L’énergie partant d’un bras se propage au buste de l’autre interprète, qui se propage alors dans le reste de son corps avant de revenir à sa source.
Tantôt moteur, tantôt récepteur, les corps acceptent, se mêlent. Les possibilités d’une certaine pratique dite « danse contact », qui s’appuie sur le contact permanent entre deux partenaires, sont ici profondément explorées, aussi bien dans la délicatesse que dans la force. Elles finissent par sembler infinies. Ces énergies peuvent parfois être contraires, entraînant alors un éloignement, mais une certaine tension est toujours maintenue. Les corps deviennent des particules, électrons ou positons, capables de s’attirer ou de se rejeter, de se faire confiance ou de se méfier. Ils se soumettent à la puissance des interactions et du lâcher prise.
Chacun des duos apporte sa particularité et déplace les symboles associés à ces deux genres. D’une part, le duo masculin montre des corps parfois en lutte, parfois manipulés. Les danseurs s’affrontent, se jaugent, une forme de violence est présente. L’image de l’homme jouant de sa force est exploitée, mais elle est élargie. Par la proximité, ces corps masculins apprennent à se comprendre et à interagir dans le conflit ou l’apaisement. Et une subtile douceur finit par se dégager de ce duo. À l’inverse, partant d’une certaine délicatesse, la partition des danseuses devient très physique, dans un jeu de domination féroce l’une sur l’autre. Dès lors, les codes et leurs injonctions se brisent. Il n’est plus question des genres mais d’une simple rencontre corporelle.
Ce n’est pas toujours une évidence, mais il est agréable d’assister à un spectacle donc le mot-titre apparaît bien comme l’essence de la recherche, de la création et qui en explore les multiples facettes. La manipulation et la domination sont évoquées, soulignant l’idée d’une soumission contrainte. Mais la soumission est aussi montrée comme une forme d’acceptation de soi, de l’autre ou d’un état du monde.
Dans la danse, il faut pouvoir faire confiance à son ou sa partenaire dans des portées ou dans un contact rapproché. En acceptant, en accueillant le corps, le mouvement d’un autre, l’interprète s’y soumet dans le but de provoquer, créer, poursuivre une nouvelle action. En substance, Adi Boutrous fait surgir ici une puissance de la soumission qui est celle du « lâcher prise », permettant une autre issue, plus douce, au conflit, ouvrant alors un dialogue, et un début de construction.
SPECTACLE : SUBMISSION
Création : janvier 2018 au théâtre de la Ville, Paris
Durée : 1h
Public : à partir de 6 ans
Chorégraphie : Adi Boutrous
Créé & interprété par : Avshalom Latucha, Adi Boutrous, Anat Vaadia, Stav Struz
Conseiller artistique & répétiteur : Anat Vaadia, May Zarhy
Lumières : Ofer Laufer
Costumes : Reut Shaibe
Conception & Montage de bandes sonores : Adi Boutrous
Crédits photographiques : Ariel Tagar
OÙ VOIR LE SPECTACLE ?
Spectacle vu le 24 janvier au théâtre des Abbesses, Paris.
- Du 24 janvier au 26 janvier : théâtre des Abbesses, Paris
- 29 janvier : La Faïencerie – théâtre de Creil
- 5 février : Einav culture center, Tel Aviv (Israël)
Toutes les dates : site d’Ali Boutros
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