Prix Café Beaubourg : la littérature théâtrale a désormais son Goncourt
Sur le parvis du Centre Georges-Pompidou à Paris, le Café Beaubourg accueille depuis 1987 nombre de visiteurs, touristes, habitants de quartier et artistes. Ce lieu prestigieux, construit par l’architecte Christian de Portzamparc, accueille un nouveau prix littéraire, le prix Café Beaubourg, récompensant une pièce de théâtre originale, écrite en français, jouée ou publiée au cours de la saison. À la clef pour le lauréat : un chèque de 5 000 € et un objet d’art.
Rencontre avec le président du jury, Jean-Marie Besset.
Jean-Marie Besset me donne évidemment rendez-vous au Café Beaubourg, en milieu d’après-midi. Je connais ce lieu pour y avoir notamment interviewé plusieurs artistes par le passé, dont Pascal Rambert encore récemment. Il faut croire que, sur la rive droite parisienne, il est une place incontournable pour les retrouvailles amicales et artistiques.
« Je viens au Café Beaubourg depuis toujours, depuis que ça a ouvert, me confirme Jean-Marie Besset d’emblée. C’est un café qui réunit beaucoup d’artistes, des plasticiens du fait de la proximité du Centre Pompidou, mais aussi de nombreux gens de théâtre et du cinéma… C’est un lieu qui est devenu un classique immédiat, à cause de son architecte Christian de Portzamparc, qui utilise des matériaux classiques et nobles, comme la pierre. »
Une initiative née d’un manque
Jean-Marie Besset est à l’initiative de la création de ce nouveau prix, sur la base d’un constat simple : nombre de prix récompensent des œuvres romanesques, et les rares qui couronnent des textes de théâtre sont, soit pauvrement dotés, soit « dévoyés ».
Beaucoup de cafés parisiens ont un prix littéraire, qui couronnent en général un roman. « Je trouvais qu’il y avait assez peu de récompenses pour les écrivains de théâtre et qu’il était bien d’en créer un nouveau. » J’évoque devant lui le prix de l’Académie française, le Grand prix de littérature dramatique ou encore le prix du Syndicat de la critique. S’il reconnaît le prestige de l’un ou l’autre, il constate qu’aucun d’eux n’est financièrement doté, ou de manière anecdotique.
Restent le Molière de l’auteur – celui de l’adaptateur ayant disparu dans la nouvelle mouture de la cérémonie, alors que le prix existe dans bien des pays étrangers – et le prix de la SACD. À ce sujet, Jean-Marie Besset a la parole tranchante, loin de toute langue de bois.
« Le Molière de l’auteur est tout à fait sujet à caution, car il est trusté par des lobbys organisés qui votent massivement, en équipe, pour tel ou tel. Ce prix ne récompense plus du tout la meilleure pièce de l’année, mais se dévoie en récompensant des œuvrettes de circonstances. C’est d’ailleurs vrai pour le prix du théâtre de la SACD : il a été remis l’an dernier à François Tanguy, un homme qui n’a jamais écrit une réplique ni une scène de sa vie, qui est un performeur, en aucun cas un auteur. La SACD est elle aussi séduite par les sirènes de la modernité ; son conseil d’administration, qui siège pourtant sous le regard marmoréen du buste de Beaumarchais dans le salon d’honneur, récompense ainsi des œuvres qui n’ont plus rien à voir avec les auteurs et compositeurs dramatiques, ce qui est tout de même paradoxal. »
Dotation 5 000 € et un objet d’art, rare et précieux
Jean-Marie Besset évoque la création du prix à Gilbert Costes, du groupe Beaumarly, qui le soutient aussitôt. L’homme est celui-là même qui a fait appel à Christian de Portzamparc pour la création de son café, et à de nombreux artistes pour la décoration de nombre de ses lieux de restauration : le Café Marly sous les arcades du Louvre, le Ruc en face de la Comédie-Française, la brasserie Thoumieux à l’ombre des Invalides, le Georges au sommet du Centre Pompidou… À chaque lieu son esthétique soignée, ses formes artistiques privilégiées.
Ce goût pour l’art et les artistes se mesure autant à la dotation de 5 000 € qu’à l’objet d’art, rare et précieux, que Gilbert Costes veut également offrir au lauréat. « M. Costes trouve noble de remettre un objet d’art, qui s’inscrive dans l’esprit de son groupe. »
Un jury indépendant
Jean-Marie Besset réunit autour de lui six personnalités, trois femmes et trois hommes : Laure Adler, Christophe Barbier, Anne Delbée, Arielle Dombasle, Michel Fau et Jean Varela ont répondu présents. « Je voulais des personnalités à la fois fortes et indépendantes, pour donner aussi un certain cachet au prix, explique le président du jury. Nous sommes tous très conscients de la longue tradition du théâtre français, du patrimoine dramatique. »
Un point du communiqué présentant le prix m’interpelle : « une pièce de théâtre originale, écrite en français, jouée ou publiée au cours de la saison ». « Jouée ou publiée »… N’ont-ils pas peur de se noyer, d’oublier l’une ou l’autre pièce majeure ? « Nous ne prétendons évidemment pas être exhaustifs, répond simplement Jean-Marie Besset. Nous considèrerons toutes les pièces éditées qui nous sont envoyées, et toutes celles jouées, que les membres du jury remarqueront. Nous passerons peut-être à côté de pièces formidables, c’est inévitable pour un jury de seulement sept membres ! »
Si l’originalité requise exclut les adaptions de roman, tous les genres théâtraux peuvent être soumis au jury. Il suffit d’envoyer sa pièce par courriel à Marion Mardel. Une pré-sélection de cinq ou six titres sera dévoilée le 18 février prochain (ainsi que l’objet d’art). Le lauréat sera connu le 20 mars, jour du printemps, à l’issue de l’ultime rencontre du jury, à la manière de ce qui se fait déjà pour le Goncourt.
Renseignements et envoi de manuscrits avant fin février à Marion Mardel : marion.mardel@beaumarly.com
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