“Baghdad station” : un film patriotique réussi sur l’attentat-suicide
Aborder l’attentat-suicide au cinéma est le pari du réalisateur irakien Mohamed Jabarah Al-Daradji. Son long-métrage, loin d’être pris au piège de la démonstration par la raison, parvient à convaincre grâce à un regard singulier : celui de l’enfance. Sortie prévue dans les salles françaises le 20 février prochain.
Nous sommes en 2006, jour de l’exécution de Saddam Hussein. L’intrigue se passe dans la gare de Bagdad, où l’on croise une multitude de destins et de profils, comme un concentré de ce que vit la population irakienne. Une jeune femme, Sara, s’apprête à réaliser un attentat-suicide, déterminée et sans état d’âme, au nom de la purification du pays, à la suite de l’arrivée de l’armée américaine. Son otage, le jeune marchand corrompu Salam, tente alors de l’en dissuader.
Le fil rouge de l’histoire pourrait sembler simpliste ; le réalisateur parvient pourtant à nous tenir en haleine, sans rupture, jusqu’à la fin. La construction du scénario, ses images et sa justesse en font un film de qualité. Il y a, dans la manière qu’a Mohamed Jabarah Al-Daradji de présenter son peuple, des similitudes avec le traitement si particulier que Tony Gatlif réserve aux Gitans. Il part du peuple ; c’est à lui qu’il rend un profond hommage…
Cette perspective nous change radicalement d’un énième regard occidental sur le terrorisme, l’Islam ou la guerre en Irak, toujours tenté par la démonstration grandiloquente et manichéenne de l’histoire. Inspiré d’un fait-divers, le drame se vit au présent durant toute une journée. Ici, les personnages ne sont pas des héros ou des monstres ; ils sont dans leur complexité simple et brute.
Pour son troisième long-métrage, le cinéaste s’appuie à la fois sur le principe d’un film choral et sur le destin solitaire de la fille djihadiste, que l’on ne lâche pas un instant. Tout cela dans un mouvement maîtrisé et une capture esthétique. La population de la gare – et tout ce qui s’y passe – retrace la vie d’un pays en survie, qui tente de retrouver le sens des liens, le sens du spirituel. Nous nous attachons particulièrement à un frère et une sœur orphelins, au jeu impeccable : lui cherche à cirer des chaussures quand elle essaie de vendre des roses. Ils errent et se démènent pour préserver l’humanité de la station centrale de Bagdad, puisque c’est au regard des enfants et à l’innocence que le réalisateur a choisi de donner la parole.
Au fond, de quoi les personnages doivent-ils se protéger ? D’une jeune kamikaze prête à les faire mourir et à se tuer, ou bien du mal qui peut entrer en eux et les pousser à des actes mauvais ? Mohamed Jabarah Al-Daradji termine sur une ouverture, sans avoir voulu décider d’une réponse, après avoir finalement livré bataille à l’Amérique avec quelques simples fleurs. Son film est à voir pour ceux qui aiment les choses pudiques et belles.
Mohamed Jabarah Al-Daradji, Baghdad Station, France – GB – Irak – Pays-Bas – Qatar, 2019, 82mn
Sortie : 20 février 2019
Genre : drame
Classification : tous publics
Avec Zahraa Ghandour, Ameer Jabarah, Bennet De Brabandere, Michel Kandinsky
Scénario : Isabelle Stead, Mohamed Jabarah Al-Daradji
Photographie : Duraid Al-Munajim
Musique : Mike Kourtzer, Fabien Kourtzer
Distribution : Contre-Courants
En savoir plus sur le film avec CCSF : Baghdad Station
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