Les bons mots du Doc Kasimir Bisou – 1) Des « publics » à « la personne »
Toutes les semaines, cette chronique proposera un instantané recto-verso d’un « bon mot » de la politique culturelle. Le recto donnera le sens du mot aujourd’hui, dans la routine des discours des acteurs du champ culturel. Le verso mettra en lumière ce qui fait sens pour une politique culturelle soucieuse de respecter les droits culturels des personnes.
Les bon mots du Doc Kasimir Bisou
Lire l’intégralité de l’introduction aux bons mots.
Le premier mot des évidences est « PUBLICS ».
Pour parler de leurs activités, les acteurs culturels expliquent tout naturellement qu’ils s’adressent à des « publics ».
Il est certain que ce constat est juste. Mais il est réducteur, du moins si le responsable public et les acteurs ont la volonté de prendre au sérieux les droits culturels.
En effet, les « publics », qu’ils soient « spectateurs » devant la scène, « visiteurs » de la ville patrimoniale ou « élèves » du cours de guitare, ne sont pas seulement des consommateurs qui cherchent à se faire plaisir avec des biens « culturels » de loisir. Avec les droits culturels, ce sont, avant tout, des « personnes » qui doivent pouvoir disposer de leurs droits fondamentaux à la liberté et à la dignité, au-delà de l’expérience sensible vécue par chacun.
Ainsi, le responsable de la politique culturelle devrait surtout s’assurer que les organisateurs sont respectueux des « personnes » et attentifs à l’expression de leur « liberté effective ». Il ne peut se satisfaire du seul comptage de « publics » anonymes, (nombre de spectateurs, taux de remplissage, fréquentation par classe d’âge ou de catégories sociales, taux de satisfaction des usagers, dépenses par jour de la clientèle du festival, nombre d’élèves, etc. !), comme trop souvent actuellement. Il paraît impératif de prendre en compte la personne, avec sa capacité d’appréciation sensible et d’argumentation rationnelle.
La discussion menée en Nouvelle-Aquitaine conduit à affirmer que les acteurs de la réflexion sur les droits culturels se retrouvent mieux dans cette attention aux « personnes », qui donne plus de sens et de valeur à leurs projets. Ils sont disposés à poursuivre la réflexion sur les dispositifs adéquats de discussion, d’échange, de partage, pouvant apporter à chacun les garanties nécessaires à l’exercice de sa liberté. Plus précisément, il s’agit de négocier les libertés effectives des personnes, en relation avec le projet artistique, autant que les libertés effectives des équipes artistiques elles-mêmes.
La même conclusion vaut pour les projets qui s’adressent à des « gens », des « individus », des « habitants » ou des « populations ». Si l’on tient à prendre en compte les droits culturels, les « gens » comme les « habitants » sont d’abord des « personnes » dotées de leurs droits fondamentaux. Ce sont des « personnes » singulières tissant des « relations » avec d’autres personnes. Ainsi les personnes qui habitent le quartier peuvent-elles choisir de se nommer « habitants » avec les droits y afférant. Elles peuvent aussi décider d’être « publics » de tel spectacle. Mais ce sont à elles de choisir. L’organisateur de l’action dite culturelle ne peut les confondre au sein d’une masse anonyme formée des « habitants du quartier » ; quelque fois des « gens », de la « population », de la « communauté ». Au titre des droits culturels, on ne peut effacer la « personne » derrière une catégorie qu’elle ne revendique pas et pour laquelle la relation avec les projets culturels ignore ses droits à la liberté et à la dignité.
Comme le dit Amartya Sen dans L’Idée de justice : « Considérer la personne comme membre d’un seul groupe particulier est un déni majeur de la liberté de chacun de décider comment il se perçoit lui-même ».
La première richesse d’une politique culturelle est alors de se nourrir de la complexité des relations entre des personnes, êtres de liberté et de dignité, du moins dans une république qui fait sienne les droits humains fondamentaux.
Ainsi, quand la politique traditionnelle affiche ses « publics », les droits culturels appellent « la personne ».
Retrouvez les volets de la série :
– Les bons mots des droits culturels – Introduction
– 1) Des « publics » à « la personne »
À paraître
– 2) D’une « offre culturelle » aux « ressources » pour faire relation
– 3) Des « besoins culturels » au développement des « libertés » et « capacités »
– 4) De la « création » à la « liberté d’expression artistique » et la « discussion sur les valeurs publiques »
– 5) De la « démocratisation de LA culture » au « débat entre cultures »
– 6) De la « culture » à l’art de « faire humanité ensemble »
– 7) De la « médiation culturelle » au « service de la relation »
– 8) De la « transversalité » à la « globalité »
Bonsoir Doc, merci pour tes propos,
ils confirment en moi des intuitions de philosophe/pédagogue récemment en poste de médiation culturelle au sein d’un théâtre.
Ma première intuition fut de redéfinir et renommer: action culturelle, éducation artistique et culturelle, à la fois flou et vide !!
Ma seconde intuition fut de mettre en place une « école du spectateur » dont une part importante est donné aux ateliers philo, pour que réflexion et partage nourrissent les participants au-delà de leur casquette d’artiste, de spectateur ou de technicien… et j’aime bien ce role de médiateur qui finalement ce fait rien sinon écouter et fluidifier les prises de parole 🙂
Mon intention, et j’aimerais bien avoir ton avis sur la question, est que la culture:
bien loin de s’attacher à des disciplines (art, sport, science, gastronomie…)
parle davantage mouvement de croissance individuelle et collective, développement existentiel et citoyen, manière de grandir dans son être et possibilité de s’épanouir dans son âme…
certain trouvant leur chemin dans l’art, d’autre dans le sport…
Ainsi mon rôle de médiateur est de créer du lien entre les humains, créer un cadre pour que les échanges soient enrichissants. Ainsi cultiver les qualités humaines serait l’ambition, et le spectacle vivant (mon employeur est un théâtre !) serait le médium…
encore merci à toi
J’adore !
J’adore lire les commentaires des usagers de Facebook (= pluriel = ensemble des personnes ayant un compte FB)
J’adore lire le commentaire d’archab usager de Facebook (= singulier = personne qui dispose de ses droits fondamentaux à la liberté et à la dignité.
Euh ! ce ne serait pas un peu du flan ça aussi !?!
Vous prétendiez dans votre introduction « donner le sens du mot aujourd’hui » mais vous n’avez pas l’air de définir ici le mot public (ou alors, bien faiblement). On dirait à vous lire que « public » = « consommateur » et s’oppose à « personne » = « qui dispose de ses droits fondamentaux à la liberté et à la dignité » (ok si on veut, mais ça aussi ça mérite un développement). Pourtant l’opposition la plus simple entre public et personne, qui est celle du singulier et du pluriel vous ne vous arrêtez pas dessus, alors que c’est sans doute la raison principale pour laquelle les acteurs culturels parlent de « public » : ils veulent parler de l’ensemble des personnes touchées par leurs actions… Je croyais arriver là et interroger vraiment des évidences, mais en fait on ne fait que brasser de l’air. On n’a pas besoin de cette masturbation intellectuelle de bas étage.