12 septembre 1910 : Gustav Mahler mégalo-man
Instant classique – 12 septembre 1910… 108 années jour pour jour. Avec une rapidité assez inhabituelle chez lui, Gustav Mahler ne met que deux mois pour composer sa 8e symphonie, énorme symphonie-cantate qui requiert des effectifs gigantesques, à tel point que l’impresario qui monte le concert le fait à grands renforts de publicité, parlant d’emblée de la « symphonie des Mille ».
Deux mois, mais l’idée venait de plus loin, lorsque, cherchant des paroles auxquelles pourrait s’adapter le premier thème d’ouverture de la symphonie, il était tombé sur l’hymne « Veni creator Spriritus » du moine bénédictin Hrabanus Maurus [Raban Maur], mort au IXe siècle. Le Second Faust de Goethe vient ensuite compléter les parties chantées.
La 8e est donc la dernière symphonie avec voix de Mahler, si l’on considère que son Chant de la Terre n’est pas à classer dans les symphonies, ce qui est discutable. Œuvre plutôt heureuse, lumineuse même, la Symphonie des Mille est aussi le seul véritable triomphe qu’il remporte en tant que compositeur de son vivant, lors de ce concert mémorable à Munich, qui est le dernier en Europe, avant qu’il ne reparte pour New York, où il vivait depuis 1907 et d’où il ne reviendrait l’année suivante que pour mourir. Vingt minutes d’acclamations ininterrompues.
Dans le public, d’innombrables artistes et amis du compositeur sont présents, dont Thomas Mann et Stefan Zweig, mais aussi Richard Strauss ou encore Camille Saint-Saëns. Malgré les ovations, certains, à la fin du concert, sont frappés par le visage de Mahler : « Nous eûmes tous l’impression que cet homme avait la mort sur la face », note William Ritter. Le mal diagnostiqué le soir même de l’enterrement de sa fille Maria qui n’avait pas cinq ans n’allait pas tarder, en mai suivant, à l’emporter.
Comme il s’agit de l’une des partitions les plus longues de Mahler, en voici les dernières mesures, avec ce chœur mystique final monumental, appuyé par un orgue imposant, ici dans une interprétation à l’avenant.