Le bouc émissaire
Le terme de « bouc émissaire » provient de la traduction grecque de « bouc à Azazel », un bouc portant sur lui tous les péchés d’Israël. Selon René Girard le bouc émissaire désigne également l’individu, nécessairement coupable pour ses accusateurs mais innocent du point de vue de la « vérité », par lequel le groupe, en s’unissant uniformément contre lui, va retrouver une paix éphémère.
Le MEDEF qui porte quelques responsabilités sur le déficit de l’UNEDIC, laquelle nécessite probablement une révision en profondeur de son mode de gestion, a désigné aux médias, donc à la vindicte populaire, les intermittents comme boucs émissaires de la crise économique et sociale que vit notre pays depuis un trop grand nombre d’années.
Mais si l’on y regarde de plus près, le déficit de l’UNEDIC est dû à de nombreuses dérives comme le montrent les résultats, dans les comptes de l’assurance-chômage : Le déficit le plus lourd provient des salariés en CDD : 5,592 milliards d’euros, et celui des intérimaires s’élève à 1,464 milliards d’euros.*
Les intermittents du spectacle, dont on néglige délibérément l’apport économique dans notre société, constituent le groupe idéal pour engager une politique ultra-libérale s’appuyant sur un utilitarisme à court terme, afin de mettre en place une dérégulation sociale qui pourrait se généraliser par la suite. Ces gens-là sont pragmatiques et méthodiques.
Il suffit de s’appuyer sur un bon sens populaire mal informé pour traquer ces « oisifs » qui n’apportent rien à la société, en utilisant une presse qui se veut d’investigation, pour mettre en évidence quelques cas d’abus du système, et le tour est joué !
Mais le patronat supranational ne s’arrêtera pas là pour réduire la France au modèle culturel européen moribond. Chez ces gens-là, il n’est de richesses que financières et par expérience, on sait que la finance ne partage pas.
Le faible pourcentage d’intermittents par rapport au nombre de travailleurs français rend cette cible plus facile. On oublie seulement de préciser que presque tous les spectacles, concerts, festivals et autres prestations artistiques ne pourraient exister sans les intermittents.
La suppression des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC tuera sûrement « l’exception française » (notion abhorrée par ces messieurs sérieux en cravate, parce que trop exceptionnelle et trop française), en matière de politique culturelle et mettra à mal toutes formes d’expressions culturelles dans notre pays qui avaient résisté jusqu’ici au rouleau compresseur d’outre-Atlantique.
* Chiffres de la Cour des Comptes 26/11/2013
Je fais suite au texte d’Olivier Frettois et m’insurge lorsqu’il précise que sans intermittent nous n’aurions pas ou peu de culture en France. Quant à Lucien, je nous convergeons sur certains points mais je pense que pour une PME de prod le régime d’intermittent est très lourd comparativement aux coûts/devis proposés à nos clients. Lorsqu’on veut par passion trouver un métier lequel n’offre pas suffisamment d’opportunité pour vivre dans un premier temps, on s’accroche, on se fait violence, on fait des sacrifices, des choix mais en aucun cas on ne doit compter sur la société pour arriver à ses fins. Ce résonnement est valable dans tous les domaines quels qu’ils soient. C’est ce que l’on appelle » LA VIE ». Cela existe depuis des millénaires mais depuis 35 ans les Français en ont décidés autrement et veulent désormais réussir et en arriver à leur fin sans passer par la case départ et en sautant les étapes. Pour ce qui me concerne, c’est malsain et on s’aperçoit, trois décennies après le mal que cela a causé.
Cordialement, à toutes et à tous.
Pour que l’analyse de la situation soit objective et afin de ne pas tendre le bâton, il serait bien également – et je dis bien « également » – de regarder en face les détournements qui ont été rendu possibles par des champions en la matière (grandes productions et labels, en gros…°ç°), en raison d’une conception imparfaite, ce qui est un euphémisme.
En résumé, le statut « originel » d’intermittent a beaucoup trop profité à une catégories d’artistes n’en ayant absolument pas besoin, gagnants déjà des millions (hormis quelques trop rares scrupuleux), ainsi qu’à alléger la comptabilité de productions audio-visuelles, d’agences de communications …
Bien que ce soit quantité négligeable par rapport à certaines sommes dues à l’URSSAF (dont le règlement, selon certaines analyses, suffirait à combler le fameux « trou »), il faut savoir le rappeler…
Plus tu pèses lourd, plus tu touches au grisbi… Jamais personne n’a eu le courage de faire ce constat ?
Reste-t-il à se réfugier dans la parole de Pierre Desproges ? :
« Je voudrais ce soir que nous ayons une pensée, une courte pensée pour ceux de mes camarades du spectacle qui n’ont actuellement aucun travail, sous prétexte qu’ils n’ont aucun talent…. » 😉
C’est pourquoi je soutiens que revendiquer le simple maintien des annexes en l’état n’est pas constructif, et stratégiquement inconfortable en se campant sur d’intouchables « avantages acquis ».
Mais il est clair que les magnats du MEDEF ont bien appris le texte de Charles Pasqua :
«Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien». »
Chapeau les Artistes !
Ne lâchons rien, certes, mais œuvrons également pour une élévation de la conscience collective…
…et pour une certaine joie de vivre…