Agnès Lebourg : une vie de marionnettes, d’enfance et de joie
Depuis toute petite, l’envie de faire des spectacles habite Agnès Lebourg : elle veut d’abord être danseuse, « comme beaucoup de petites filles », ou comédienne, avant de découvrir à 17 ans les marionnettes, lors d’un stage pour obtenir le BAFA. Une révélation à l’origine d’une longue carrière de créations artistiques. Rencontre.
Quel outil artistique : la danse, le théâtre, le piano ? Toutes ces options ont été envisagées, dès l’enfance, par Agnès Lebourg. Mais ce n’est qu’à 17 ans qu’elle découvre la marionnette… une révélation. « Je n’avais vu de spectacle de ma vie ! », se souvient-elle, avec enthousiasme. Elle devine alors que sa vie ne sera plus pareille : « La marionnette ne m’a depuis jamais lâchée, et je ne l’ai pas lâchée non plus. »
Elle commence des stages auprès de marionnettistes, pour apprendre les techniques de fabrication, de manipulation, ainsi que la mise en scène de spectacles. « J’ai d’abord fait partie de troupes amateur. Nous jouions dans les écoles et les centres de loisirs. »
Le goût des tout-petits
À trente ans, elle décide de passer définitivement professionnelle, ou plus exactement de s’y consacrer pleinement. Cette mutation s’accompagne d’un changement géographique : elle quitte la région parisienne, dont elle est originaire puisque sa famille est originaire de Saint-Germain-en-Laye, pour s’installer dans l’Isère, à proximité de Grenoble où se montait alors un festival consacré à la marionnette. Elle participe activement à l’élaboration de cet événement, avant de rencontrer une compagnie qui cherche une marionnettiste. « J’ai eu cette chance de pouvoir vivre de la marionnette dès mon arrivée dans le Sud, confie-t-elle. Tout s’est ouvert… et j’ai plongé ! »
« J’ai été étalagiste dans un grand magasin, ce qui m’a ouvert à l’esthétique », qu’elle met à profit dans chacun de ses spectacles. Le BAFA et le BAFD lui permettent de travailler aussitôt pour les tout-petits, essentiellement en maternelle. « C’était déjà mon âge préféré, entre trois et six ans. »
Animations, ateliers, spectacles… Elle enchaîne les activités artistiques, reconnaissant avoir « quelque chose à dire » aux enfants entre zéro et six ans. « Dans tous mes spectacles, ce que je cherche à faire passer, c’est la joie, le plaisir et le goût de la vie, par l’humour et la fantaisie. » Elle en ferait presque une philosophie de l’art, comme un vaccin contre la sinistrose des adultes.
Spécificité de la petite enfance
Quelle est la spécificité d’un tel public ? « Les tout-petits ne se projettent pas. Tous mes spectacles se passent dans la journée », dans l’instant présent. C’est pourquoi l’artiste tient une place centrale dans les histoires, comme celle qui présente et met en interaction les marionnettes avec les enfants. « Je joue devant et derrière un décor, et non un castelet classique, à la manière de guignol. »
Il y a certes quelques marionnettes à main, mais aussi – surtout – des marionnettes à tige, à fil, voire… à roulettes et télécommandées ! Et puis sa marionnette Nougat, un chien, qui joue dans toutes les histoires, comme un fil conducteur au fil des années. « Les enfants comme les adultes se souviennent de lui, chaque fois que je reviens jouer devant eux, dans les crèches, les haltes-garderies, les relais d’assistantes maternelles… »
Parmi les langages destinés au jeune public, Agnès Lebourg emploie abondamment celui de la musique, des chansons originales composées tantôt par elle, tantôt par un ami musicien. Par goût personnel tout d’abord, mais aussi « parce cela apporte une autre manière de communiquer, qui ne s’adresse pas aux mêmes parties du corps : dès que je chante, l’écoute des enfants est tout autre ; ils n’entendent pas de la même façon. » Dans un spectacle d’environ trente minutes, il est important de varier les rythmes, de passer du récit à la comptine, de l’humour à la musique. « Les enfants ne peuvent pas tenir pendant une demi-heure avec uniquement de la parole ! Une nouvelle concentration se met en place avec les chansons et les comptines. »
Un rapport artistique et humain privilégié
Agnès Lebourg met un point d’honneur à parler notamment, comme on parlerait à un adulte, avec des mots simples : « Je joue beaucoup avec les rimes, parce que ça berce et que c’est une forme de jeu. » Ne pas infantiliser les enfants lui semble une évidence dans l’écriture de ses spectacles ; ceux-ci naissent parfois d’une histoire, le plus souvent d’une envie de personnages, de marionnettes, de décors, de matières : une souris, une barrière, le cuir… « Si j’ai toujours beaucoup d’idées en amont, mes derniers spectacles sont écrits au fur et à mesure des répétitions, avec l’aide d’un metteur en scène luxembourgeois, qui connaît bien la marionnette. »
Lorsqu’on l’interroge sur des réactions d’enfants qui l’ont surprise, voire émue, Agnès Lebourg n’a pas une seconde d’hésitation : « Ah oui ! C’était au tout début. Je doutais de ce que je faisais, de la qualité de mes spectacles. Une petite de deux ou trois ans, déguisée en coccinelle, vient me voir et me dit : “C’est bien ce que tu fais”. Je n’avais plus le droit de douter. J’avais un questionnement, elle avait la réponse. » Un doute rapidement estompé pour celle qui, près de trente ans plus tard, a désormais créé une dizaine de spectacles et ne souhaite en aucun cas s’arrêter.
Photographies extraites du dernier spectacle d’Agnès Lebourg : Youpi, il neige ! (DR)