Soirée ALT – Lecteurs néophytes et auteurs de théâtre : une rencontre enthousiaste
Nous vous présentions, en décembre dernier, une jeune initiative portée par deux jeunes courageux, Annabelle Vaillant et Vincent Pavageau : « Auteurs, Lecteurs & Théâtre ». Le principe est simple : donner le goût de la lecture et de l’échange autour de textes contemporains destinés à la scène, de la rencontre conviviale et informelle à l’échange libre, entre lecteurs et avec l’auteur. Profession Spectacle a aussitôt décidé de soutenir ce beau projet.
Une première saison vient de s’achever, l’heure est au bilan. Une rencontre festive et ouverte à tous – avec lecteurs, auteurs et artistes – aura lieu le 15 juin prochain.
En attendant, entretien avec des fondateurs enthousiastes et remplis d’idées, de projets, de désirs.
Le 15 juin prochain aura lieu votre soirée de clôture, après cette première année passée à lire cinq textes… Pouvez-vous nous rappeler brièvement l’intuition qui vous a décidés à lancer ALT ?
Cette première année est très encourageante, les auteurs et les lecteurs ont répondu présent et nous avons pris beaucoup de plaisir à échanger, rencontrer, questionner…
ALT est né d’un constat : le théâtre se lit peu. Puis une question, pourquoi ? En supposant qu’il s’agissait davantage d’un manque d’accès que d’un manque d’envie, nous avons souhaité inventer une occasion, ouverte à tous et toutes, de lire des pièces.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Aujourd’hui, après cinq pièces découvertes par une cinquantaine de lecteurs, nous sommes ravis de pouvoir dire que le théâtre se lit, et qu’il se lit avec plaisir ! Nous avons observé que lire une pièce produit un effet similaire à celui d’assister à un spectacle : être embarqué par l’univers, ressentir des émotions, vivre du suspens, s’attacher ou parfois s’identifier aux personnages… Il s’agit d’être traversé. En parallèle à une pièce qui serait mise en scène, le texte en main offre la possibilité de revenir sur certains passages, de lire par courts moments au gré des transports en commun, ou simplement de découvrir avec plaisir une pièce de manière intime, chez soi.
Les rencontres ALT consistent à discuter de la pièce entre lecteurs, ainsi qu’avec l’auteur ou l’autrice. Comme des spectateurs qui resteraient boire un verre après avoir assisté à un spectacle, dans le désir de partager leurs sensations ou de transmettre leur avis à l’équipe, nous créons une occasion pour que lecteurs et dramaturges se retrouvent dans un lieu chaleureux et échangent sur la pièce.
Pour cette saison 1, nous avions choisi cinq textes très différents, aussi bien dans les thèmes abordés que dans l’écriture :
- Une Commune, retourner l’effondrement tentative 1 de Guillaume Cayet (éditions Théâtrales 2016) traite d’écologie et de politique dans un bassin minier ;
- Tabaski de Marine Bachelot Nguyen (inédit) relate le retour au pays d’un jeune homme expulsé par la France ;
- Métropole de Vincent Farasse (Acte Sud, 2017) suit les destins de cinq personnages dans le Grand Paris ;
- Lazare de Catherine Benhamou (inédit), est centré sur une femme à la recherche de son identité dans les couloirs du métro ;
- et enfin Maman a choisi la décapotable d’Antonio Carmona (éditions Théâtrales jeunesse 2018) s’attache à l’histoire de deux jeunes sœurs abandonnées par leurs parents.
Y a-t-il une convergence entre tous ces textes ?
Publiés ou non, allant de quinze pages à une centaine, le point en commun entre ces textes est notamment que leurs dramaturges étaient particulièrement intéressés pour discuter de leurs pièces avec des lecteurs et lectrices de tous horizons. Les rencontres ont été très riches et ont souvent dépassé le cadre de la pièce.
Au cours de la saison, nous avons aussi transmis quelques extraits des pièces à différents artistes (illustratrice, peintre, autrice, costumière, designer d’objet…), afin qu’ils proposent des créations originales inspirées par la lecture du théâtre. Leurs œuvres étaient exposées lors des soirées Ébullition ouvrant chaque session et elles le seront à nouveau le 15 juin.
Avez-vous reçu un accueil favorable des théâtres ?
Oui, les rencontres entre lecteurs et auteurs ont bénéficié d’un cadre idéal, et nous remercions ces lieux pour leur accueil chaleureux, La Colline – théâtre national, le théâtre Sylvia-Monfort, le théâtre du Tarmac et enfin le théâtre de la Cité internationale, avec qui la saison s’est ouverte en janvier et qui accueillera dans son bar notre soirée de clôture, ouverte à toutes et tous, le 15 juin.
Vous souhaitez notamment donner à lire les textes de théâtre à des lecteurs peu rompus à cet exercice : quelles ont été leurs réactions au fil des mois ?
Les personnes qui ont participé à ALT cette année venaient de milieux sociaux différents ; ils n’avaient pas le même âge ni les mêmes métiers ou aspirations professionnelles. La plupart n’avaient pas ouvert une pièce de théâtre depuis Molière au collège et, globalement, les formes actuelles ont suscité beaucoup d’enthousiasme. Les réactions de lecture étaient multiples, certains lisaient la pièce d’un trait pour en connaître la fin de plus vite possible, d’autres au contraire suivaient l’histoire telle une série, par épisode de lecture, alors que d’autres encore disaient avoir l’impression de lire un scénario, ou transmettait au groupe leur visualisation d’une possible mise en scène…
Sous la forme d’une discussion libre, les échanges se tournaient alors vers les sujets abordés par le texte, les questions et les sensations qu’avait suscitées la lecture, les différentes interprétations ou encore les éventuelles incompréhensions. Suivant ce qui intéressait les participants du mois, nous développions les affinités avec les sujets de la pièce, la musicalité du texte, la poésie de la langue ou bien nous évoquions les différentes possibilités de mise en scène.
L’écriture dramatique peut être très vive, elle peut aussi être facile et agréable à lire. Des participants ont trouvé un réel plaisir de lecture dans la forme dialoguée, les espaces temps parfois diffus, l’intimité créée avec les personnages ou encore dans la place laissée à l’imagination.
Lire aussi
ALT : les auteurs de théâtre ont désormais leur association de lecteurs
La rencontre avec les auteurs fut-elle facile ?
Ça a généré beaucoup de curiosité. Les lecteurs ont parfois pu être intimidés au début mais nous souhaitions, avec ALT, créer des moments d’échanges qui dépassent le fait de faire signer un ouvrage par son auteur ou de se renseigner sur son processus d’écriture.
Le théâtre se place à un endroit de lecture du monde, il propose des situations et des événements. Face à cela, nous avons tous des choses à dire, à comprendre et nous avons hâte de partager les futurs textes avec les nouveaux lecteurs et lectrices qui participeront aux sessions ALT de la prochaine saison.
Qu’attendez-vous de la soirée du 15 juin ?
Cette soirée de clôture sera l’occasion de réunir les personnes déjà investies dans l’aventure ainsi que les curieux et curieuses à venir. En compagnie des auteurs et lecteurs, nous effectuerons une rétrospective des pièces de l’année et nous aborderons celles de la saison prochaine.
Vous annoncez d’ores et déjà huit textes pour la saison 2018-2019 : pouvez-vous nous en dire plus ?
Après une soirée d’ouverture en septembre, la saison 2 se déroulera d’octobre 2018 à mai 2019, à raison d’une pièce par mois : il s’agira donc de huit pièces de théâtre.
Il est probable que le rythme des rencontres soit légèrement modifié par rapport à la saison passée. Nous envisageons notamment que l’Émulsion (la première des trois rencontres) favorise davantage les rencontres entre les personnes qui ont déjà participé et celles qui sont curieuses de le faire.
En transmettant une pièce de théâtre comme on pourrait transmettre un roman ou une bande dessinée, nous souhaitions ouvrir un nouvel accès à la lecture dramatique. Par les temps d’échange proposés, entre les lecteurs eux-mêmes ainsi qu’avec les auteurs, il s’agissait de créer un lieu itinérant de curiosité et de rencontre, de réflexion et d’ouverture des possibles. Un espace-temps où chacun est le bienvenu pour découvrir un texte, partager sa vision de la pièce et recevoir celles des autres. Avec les retours des lecteurs et lectrices de cette première saison, nous pouvons continuer à inventer la forme du dispositif ALT, afin qu’il puisse prendre plus d’ampleur.
Comment s’est opérée la sélection des textes ?
À la suite de notre appel à textes courant avril, nous avons reçu plus de cinquante pièces de théâtre, ce qui montre le dynamisme certain de l’écriture théâtrale contemporaine. La sélection est encore en cours et sera dévoilée lors de la soirée de clôture le 15 juin.
Pour procéder à la sélection, nous sommes attentifs à la dimension originale de la forme adoptée ainsi qu’au choix du sujet. Nous sommes sensibles à la poésie de la langue française, comme à la mise en avant de l’argot ou d’un langage familier reflétant le quotidien. Nos choix sont assumés dans leur subjectivité à mettre en avant les problématiques de l’époque, qu’elles soient écologiques, sociales ou encore économiques. Nous nous attachons aussi aux représentations genrées, sociales et raciales (par exemple, ce rôle féminin est-il majeur ou bien a-t-il pour principal but de mettre en avant les personnages masculins de la pièce ?). Enfin, notre ambition est de favoriser les dramaturges émergents, les textes récents, écrits après 2016, et d’ouvrir la porte à des pièces non publiées ou en cours d’écriture.
Sans dévoiler votre choix final, qu’est-ce qui ressort de votre première sélection ?
Nous avons reçu trois fois plus de pièces écrites par des femmes que par des hommes. Nous pouvons donc d’ores et déjà annoncer qu’il y aura probablement plus d’autrices que d’auteurs pour la saison 2. Au vu des faibles pourcentages de dramaturges féminines éditées ou mises en scène, ALT peut aussi ouvrir une nouvelle page. Voilà ce que nous pouvons dire pour le moment… Rendez-vous le 15 juin pour l’annonce des textes sélectionnés !
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
Photographie de Une – Soirée avec Guillaume Cayet au Théâtre de la Cité Internationale en janvier 2018
(crédits : Elsa Beranger)