« Escobar » : la vie très privée de l’empereur de la drogue
Couple à la ville, couple à l’écran. Javier Bardem et Penelope Cruz constituent depuis 2007 l’un des couples les plus à la mode de Hollywood.
Ils vont faire ensemble l’ouverture du festival de Cannes avec le prochain film du réalisateur iranien Asghar Farhadi, Everybody knows. Un an plus tôt, ils avaient filmé sous la direction de leur compatriote Fernando León de Aranoa ce biopic de l’empereur de la drogue.
Personnalité fascinante bien que rarement à l’écran
Le film est inspiré des mémoires de Virginia Vallejo, une présentatrice colombienne de télévision qui fut la maîtresse de Pablo Escobar. Leur titre est parlant, Amando a Pablo, odiando a Escobar, qui tend à opposer l’homme dont elle fut amoureuse de l’odieux « patron » et de ses sinistres trafics.
L’homme fascine. Il y a de quoi. Il amassa en quelques années une fortune considérable. Il s’était taillé un État dans l’État à Medellín, fort du soutien de la population locale délaissée par les politiciens corrompus de Bogotá. Il mit à feu et à sang la Colombie, dont il caressa un temps le projet d’en prendre la direction pour le transformer en narco-État. Il fit entrer des tonnes de cocaïne aux États-Unis, provoquant en retour une chasse à l’homme qui s’acheva par son exécution le 2 décembre 1993.
On aperçoit sa silhouette dans plusieurs films mais aucun jusqu’à présent ne l’avait pris comme figure principale, sinon bien sûr les deux premières saisons de la série Narcos.
Dans Blow de Ted Demme – dont Penelope Cruz, déjà, interprétait le rôle principal -, un dealer américain joué par Johnny Depp se faisait le correspondant d’Escobar et du Cartel de Medellín aux États-Unis. Dans Paradise Lost d’Andrea Di Stefano, un jeune surfeur américain tombait amoureux d’une jolie Colombienne qui s’avérait être la propre nièce de Pablo, interprété par Benicio Del Toro. Dans Infiltrator de Brad Furman, Bryan Cranston – le héros de Breaking Bad – jouait le rôle, inspiré d’une histoire vraie, d’un douanier américain qui avait infiltré pendant des années le cartel de Medellín pour en faire tomber une dizaine de barons.
Interprétations magistrales
Comme son titre l’annonce, Escobar prend son sujet à bras le corps. Il le fait à travers le regard de Virginia Vallejo dont l’autobiographie a l’avantage de restituer au plus près les dix dernières années de la vie du trafiquant. S’il dirige le cartel de Medellín et ses dizaines de sicarios d’une main de fer, Pablo Escobar reste dans la vie de tous les jours un homme débonnaire, un bon père de famille, proche de son fils et de sa fille qu’il aime.
Javier Bardem, sans doute un des meilleurs acteurs de sa génération, campe avec gourmandise le personnage, affublé d’une impressionnante bedaine – le Brésilien Wagner Moura avait pris vingt kilos pour le rôle dans Narcos, mais il semblerait que l’ogre espagnol ait préféré recourir aux postiches. En amante hystérique, Penelope Cruz lui volerait presque la vedette, qui retrouve les tenues chics et les postures hyper-sexualisées des héroïnes de Pedro Almodovar des années 80. Peter Sarsgaard joue, avec le sourire en coin qui ne le quitte plus, le rôle de l’agent du DEA qui mènera avec succès la traque d’Escobar depuis l’ambassade américaine de Bogotá.
Le biopic n’est pas un genre que j’apprécie particulièrement. J’en trouve les règles convenues, les ficelles un peu grosses. Mais force m’est de reconnaître que, grâce en particulier au jeu de ses acteurs, cet Escobar remplit mieux qu’à son tour l’ambitieux cahier des charges qui lui était fixé.
Fernando León de Aranoa, Escobar, Espagne, 2017, 123mn
- Sortie : 18 avril 2018
- Genre : drame
- Classification : – 12 ans
- Avec : Penélope Cruz, Javier Bardem, Peter Sarsgaard, Julieth Restrepo
- Scénario : Fernando León de Aranoa d’après Virginia Vallejo
- Distribution : SND
En savoir plus sur le film avec CCSF : Escobar