Citadelle de Besançon : le cirque et les arts de rue s’emparent d’une impressionnante place forte
La Citadelle de Besançon, haut lieu historique et culturel, s’ouvre pour la première fois au spectacle vivant, notamment au cirque et aux arts de la rue. Un petit bouleversement artistique pour ouvrir de nouveaux horizons.
Avec son Musée comtois, le Museum d’Histoire naturelle, adossé à un parc zoologique, ainsi qu’un musée de la Résistance et de la Déportation, la Citadelle de Besançon, inscrite dans le réseau des 12 sites Vauban en France, invite pour la première fois les visiteurs à découvrir une programmation artistique de spectacle vivant.
Cette impulsion, donnée par son directeur Alexandre Arnodo, pourrait permettre d’atteindre à nouveau les 300 000 visiteurs enregistrés durant l’année qui a précédé la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19. « Dans l’esprit des saisons culturelles des lieux de spectacles, il a souhaité que chaque musée puisse être à l’initiative d’une saison haute, dont il serait le chef d’orchestre », explique Aurélie Carré, conservatrice en chef du patrimoine du Musée comtois et du Museum.
Le spectacle vivant est-il ainsi convoqué pour favoriser un regain de fréquentation, ou bien cet appel aux artistes prend-il un tout autre sens, au sein de cette forteresse inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO ?
Patrimonialisation des arts de rue
Cette saison culturelle rend hommage à la tradition marionnettiste bisontine et aux arts de la rue qui ont connu une renaissance en ces contrées au cours des années 1970. Gilbert L’automate, co-auteur du livre Les saltimbanques de Beaubourg, que fréquentait à Paris le local Hubert Félix-Thiéfaine, est spécialement venu lors de l’ouverture des expositions “Saltimbanques !” et “Plume, l’éternité du saut périlleux”.
La première présente une série de portraits et d’objets de saltimbanques de Franche-Comté du XIXe siècle à aujourd’hui, ainsi qu’une enquête de terrain autour des arts de la marionnette et du Théâtre des Manches à balais, fondé en 1973.
La seconde invite les visiteurs à déambuler dans l’univers poétique du Cirque Plume, compagnie franc-comtoise pionnière du « nouveau cirque », qui s’est dissoute durant le premier confinement. « On a fait un travail de sauvegarde en lien avec la BnF et le Centre national du costume de scène de Moulins, pour voir quels objets pouvaient être patrimonialisés, afin de proposer une saison qui allie exposition muséale et temps de rencontres artistiques », détaille Aurélie Carré.
Le spectacle vivant, seul levier d’attractivité ?
« On est heureux de pouvoir développer d’autres formes de représentations et de pouvoir associer ces expositions à des choses plus vivantes, confie François Bousso, conseiller municipal délégué à la Citadelle et au tourisme. Parfois, l’expression de musée n’est pas toujours positive… Quand on parle d’une “ville musée” par exemple, c’est mauvais signe. »
Outre les ateliers de cirque proposés par l’association Passe Muraille, de nombreux concerts ont rythmé cette saison et des balades nocturnes ont été proposées par Bernard Kudlak, le fondateur du Cirque Plume. Des spectacles de cirque sont encore prévus en septembre, dont Lévitation réelle de la compagnie L’Immédiat, Inertie de la compagnie Underclouds ou encore SoliloqueS par la compagnie Singulière. Le Musée comtois accueillera également un spectacle du festival bisontin Du bitume et des plumes, le 1er octobre prochain.
Pour Alexandre Arnodo, il s’agit avant tout de faire vivre le territoire. « Ce dernier est riche artistiquement, beaucoup de choses restaient à faire, c’était normal de s’ouvrir à ce territoire, affirme le directeur de la Citadelle. L’association d’un musée et d’une saison était essentielle pour pouvoir faire de ce site l’incarnation de l’UNESCO. On a des musées, mais si on veut rendre palpable cette valeur UNESCO, il faut le faire à travers une programmation estivale, puisqu’on a un site de plein air et que c’est le seul qui est ouvert en cette période, quand tous les théâtres s’arrêtent. » La Citadelle assure donc une continuité des propositions culturelles pendant l’été.
De la conquête de France au Cirque Plume
Anne Vignot, maire de Besançon (EELV) le confirme lors du lancement de saison, en présence de la presse. « La Citadelle est rentrée dans une nouvelle ère, l’ère de l’ouverture, dans un lieu offrant un panel de choses différentes. Au-delà du geste patrimonial, c’est une philosophie de l’engagement d’une société qui reconnaît des valeurs universelles qui se concrétise ici. »
Lieu d’animations et d’activité sociales, culturelles et artistiques, ce site UNESCO est donc mis à disposition des habitants du territoire et au-delà. « Son histoire se raconte sous différentes facettes et peut nous entraîner dans tout un imaginaire, poursuit la maire. Le principe est de l’ouvrir à tous les acteurs culturels, économiques et touristiques. »
Si la Citadelle est emblématique de la conquête du Royaume de France, le Musée comtois rend hommage à une autre histoire, poétique cette fois, par une vaste collection dédiée aux arts de la marionnette, aux jeux et aux jouets, aux contes et aux chansons populaires.
Un levier de paix
La mise en avant du patrimoine circassien au sein de cette institution pourrait sembler ironique, tant les artistes de rue sont réputés pour se situer à la frontière du licite, à plus forte raison, en considérant une génération qui souhaitait à l’époque réinventer ces pratiques, dans l’esprit libertaire de 1968.
Pourtant, Anne Vignot répond à Profession Spectacle que le rôle critique de la culture est consubstantiel à la société. « La culture est là pour bousculer les lignes, elle interroge la société à l’endroit où elle place ces lignes, insiste-t-elle. Ce qui est important, c’est de montrer que beaucoup d’arts ont émergé à un moment donné et qu’ils ont provoqué le questionnement, car une société qui ne s’interroge plus n’a plus aucun intérêt. »
Dans l’esprit de Bernard Kudlak, les balades nocturnes qu’il proposait durant l’été furent également des temps de mémoire de la résistance yougoslave en particulier. Le mouvement artistique qu’il a – avec d’autres – initié à l’époque, se voulait surtout pacifique. « Cela faisait quarante ans que les saltimbanques avaient disparu, la télévision les ayant remplacés, alors les gens étaient heureux de nous voir, se souvient-il. J’avais l’idée à l’époque que, face à la violence du monde, le cirque pouvait être un levier, on se mettait tout au bout, on faisait bouger un peu le levier d’Archimède. »
La Citadelle de Besançon veut ainsi porter des valeurs universalistes et se renouveler à travers ces deux nouvelles expositions, vivifiées par une programmation de spectacles. Celle-ci souhaite transfigurer une histoire marquée par les dominations et les guerres, avec la mise en avant d’une tradition des arts de la rue et du cirque qui est propre à ce territoire, pacifiste, où seules les forces poétiques comptent.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
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En savoir plus : La Citadelle de Besançon
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