À la vitesse du son !
Podcast. Nous avons tous un studio d’enregistrement dans notre poche.
Au mois de mars 2020, durant le premier confinement, beaucoup d’artistes se sont retrouvés fort dépourvus. Théâtres fermés, cinémas fermés. Pour un grand nombre d’auteurs et d’autrices de théâtre, pour beaucoup de scénaristes, cette période a sonné le glas de nos créations. Une mort sociale et artistique avec enterrement de première classe. Je ne vais pas revenir sur cette période que j’ai longuement décrite au cours de chroniques précédentes. Tout ce que je peux ajouter, c’est que les auteurs et les autrices, toutes disciplines confondues, subissent encore, et cruellement, les dysfonctionnements majeurs d’institutions et d’organismes qui ont montré leurs faiblesses aux yeux de tous et de toutes. Au moment où ils auraient dû faire preuve d’anticipation, de conviction, d’ambition et de compréhension.
Durant cette période de confinement et durant les mois qui suivirent, des auteurs et des autrices, mais pas que, se sont tournés vers l’écriture radio. Le phénomène podcast n’y est pas pour rien. Il est même prépondérant. Il leur a semblé, à juste titre, que le seul espace de création disponible, accessible, et pour tout dire libre, se trouvait là. À portée de la main. Un ciel sans limite. Une nouvelle frontière.
Mais tout change et rien ne change. Hormis à Radio France, le vide interstellaire contractuel et le “no man’s land” financier qui entourent la production des podcasts laissent peu de place à une juste rémunération pour les scénaristes. Et ça fait un certain temps que ça dure. Si ça continue sur ce tempo, les scénaristes professionnels disparaîtront au bénéfice des auteurs amateurs éclairés. Mais là aussi, j’ai traité ce sujet bien des fois et je vais faire confiance (c’est la rentrée) aux personnes en charge de ces dossiers car il en va, bien sûr, de la rémunération juste et pérenne des scénaristes mais aussi de la non-uniformisation de la création, de la fiction radiophonique.
Le podcast connaît un engouement sans pareil. Un peu de matériel d’enregistrement, un zeste de connaissance numérique et c’est le grand saut. La création et la confrontation aux autres en quelques clics. Je rappelle que dans ma chronique, je n’évoque que les podcasts de fiction.
En ce qui concerne le podcast, nous pouvons compter sur quatre types de diffusion/production. La fiction enregistrée pour un programme radio et qui devient accessible en podcast. À dissocier des fictions produites par des stations radio directement pour le podcast. Les podcasts de fiction que vous pouvez retrouver sur les plates-formes. La plupart du temps, ces fictions sont produites par les plates-formes. Et les podcasts de fiction indépendants, produits, scénarisés et réalisés par les autrices et auteurs. Toutes ces possibilités d’écoute de fiction reposent sur une stupéfiante vitalité créatrice. Et on ne peut que s’en féliciter. Il est vain et inutile de vouloir comparer un tel à un tel. Comme je l’ai écrit plus haut, je ne place pas ma chronique sous l’angle juridique et financier. Mais au niveau de la création. Et pour les amoureux de fictions, cette multiplicité d’offres est tout simplement un vrai bonheur. Essayons, pour une fois, dans notre beau pays, de ne pas penser en termes de concurrence mais en possibilités de complémentarité.
Ce feu d’artifice de création est devenu réalisable grâce au progrès technique, constant, inarrêtable, qui permet à beaucoup de personnes de pouvoir créer, enregistrer dans de bonnes conditions pour une mise financière très faible.
Nous avons tous un studio d’enregistrement dans notre poche.
Depuis trois ans, j’ai le grand plaisir de diriger des stages de formation à l’écriture de fiction radiophonique. Très souvent à la fin du stage, je propose aux participants d’enregistrer un de leur texte. Une courte fiction. Je trouve intéressant pour ne pas dire capital que les scénaristes en herbe se confrontent à l’action d’enregistrer une fiction. Ne jamais oublier que la fiction radio est un art collectif qui regroupe plusieurs professions artistiques et techniques. Quand j’ai débuté dans l’écriture de scénario, le fait d’assister à des enregistrements m’a permis de définir au mieux le cadre au sein duquel j’allais inscrire mes histoires.
En écoutant ces fictions, ces bouts d’histoires, j’ai souvent été agréablement surpris par la qualité globale qui s’en dégageait. Aussi bien au niveau du scénario que de l’enregistrement. Pour quelqu’un qui, comme moi, est habitué aux enregistrements en studio à la Maison de la Radio, le fait d’écouter un enregistrement de très bonne facture qui a été effectué à partir d’un téléphone portable est particulièrement déstabilisant. Franchement, ce n’est pas très bon signe pour les studios et les personnels techniques concernés par l’enregistrement d’une fiction. Je serais réalisateur ou comédien, je me ferais aussi du souci.
Nous sommes face à un nouveau modèle. Novateur au niveau de la création. Redoutable par rapport aux inévitables pertes d’emploi. Le chemin de crête est étroit et il ne cesse de se rétrécir.
Malgré toutes ces interrogations légitimes, de plus en plus d’auteurs et d’autrices se tournent vers l’écriture radio. Et c’est tant mieux. Je préfère le vent nouveau au vent mauvais.
Écrivez des histoires à la vitesse du son. Pulvérisez le mur du son. Mettez-nous du soleil entre les deux oreilles !
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Auteur de théâtre, scénariste de fictions radio, président des Écrivains associés du théâtre (E.A.T) de 2014 à 2019, Philippe Touzet tient une chronique bimensuelle dans Profession Spectacle depuis janvier 2021, intitulée : « Arrêt Buffet ».