11 avril 1919 : Ravel à ses amis morts au combat
11 avril 1919… 102 ans jour pour jour – Maurice Ravel compose six pièces dédiées à ses amis morts sur le front, pendant la Première Guerre mondiale. Une partition au délicat raffinement… Un peu de nostalgie, sans doute, mais rien de funèbre.
Je crois vous avoir déjà parlé des circonstances de la composition du « Tombeau de Couperin » de Ravel, mais pour sa version orchestrale, créée en février 1920. Mais auparavant, il y avait eu la version pour piano que d’aucuns préfèrent (moi, je préfère l’orchestre, non pas parce que c’est mieux, mais parce que j’aime tant l’orchestre, et que Ravel est un des plus grands orchestrateurs de tous les temps !).
Maurice Ravel a commencé cette « suite pour piano » en juillet 1914, juste avant la guerre, chez lui, à Saint-Jean-de-Luz. Il la termine en novembre 1917. Entretemps, l’horreur a frappé des millions de cœurs. Parmi eux, six amis de Ravel, qui avait lui-même tout fait pour s’enrôler, mais qui avait été recalé en raison de son aspect chétif. Finalement, devant son acharnement, on lui avait permis d’être conducteur, mais assez brièvement.
On compte donc six pièces, chacune dédiée à l’un de ses amis (sept au total) : un prélude, pour Jacques Charlot, qui avait réduit pour le piano plusieurs partitions de Ravel ; une fugue, pour Jean Cruppi, dont la femme avait été la dédicataire de l’opéra l’Heure espagnole ; une forlane, pour Gabriel Deluc, un ami basque ; un rigaudon, pour Pierre et Pascal Gaudin, également de Saint-Jean de Luz ; un menuet, pour Jean Dreyfus, beau-fils de la marraine de guerre de Ravel ; une toccata enfin, pour Joseph de Marliave, époux de la grande pianiste Marguerite Long. C’est d’ailleurs elle qui crée l’œuvre à la salle Gaveau à Paris.
En choisissant ces appellations tournées vers la musique du siècle des Lumières, Ravel entend en effet rendre un hommage à Couperin et à la musique française de cette époque, d’où le délicat raffinement qu’on y entend, mais aussi de la gaieté et de l’espoir. Un peu de nostalgie, sans doute, mais rien de funèbre. Comme lorsqu’on pense à des amis disparus.
Je n’ai malheureusement pas trouvé d’extrait exploitable d’un enregistrement de ce chef-d’œuvre par Marguerite Long elle-même. Mais j’ai trouvé Samson François et franchement, on n’est pas déçu !
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : éphéméride