11 juin 1778 : des petits riens pour pas grand chose
Instant classique – 11 juin 1778… 242 ans jour pour jour. En ce printemps 1778, Mozart est à Paris avec sa mère Anna-Maria qui hélas mourra quelques semaines plus tard. Il cherche à retrouver à son profit le succès qu’il y avait rencontré enfant, lorsqu’il avait fait sensation à la Cour. Mais ces temps sont révolus et les choses ne se passent pas très bien. Mozart n’aime pas du tout la ville, qui le lui rend bien, ce qui ne l’empêchera pas de présenter juste après sa Pariser Symphonie.
Pourtant, un projet est élaboré par l’entremise de Jean Le Gros, directeur des Concerts spirituels, avec le maître des ballets de l’opéra, Jean-Georges Noverre. On parle d’abord d’opéra, mais ce sera finalement un ballet, Les Petits riens. Selon un agencement récent et voulu par le nouveau directeur de l’Opéra, Devisme de Valgay, ce ballet devait trouver sa place avec un opéra italien (on alternait opéra italien et français), Le finte gemelle (« les fausses jumelles ») de Piccinni.
Wolfgang Amadeus Mozart a autant envie de composer ce ballet que de se faire rôtir les cuisses. Il admet d’ailleurs n’en réaliser qu’une moitié, le reste étant « de vieux misérables airs français » (les six premiers numéros sur les quatorze – si l’on compte l’ouverture). Son nom n’apparaît d’ailleurs pas sur les affiches. Le ballet est typique de l’époque, galant et assez niais (voire vaguement érotisant), en trois tableaux. Mozart espère qu’avec cette petite partition, Noverre lui passera commande d’un opéra plus substantiel.
Le soir du 11 juin, tout le monde baille en écoutant l’opéra de Piccinni, mais le petit ballet de Mozart remporte un vif succès, qui ne rapportera rien du tout à son auteur qui s’en est déjà tout à fait désintéressé. Il faut dire que peu de choses permettent de vraiment reconnaître le style de Mozart et c’est grâce à la correspondance, mais aussi à la redécouverte du manuscrit – perdu jusqu’à la fin du XIXe siècle dans la bibliothèque de l’Opéra – qu’on est assurés que c’est bien lui qui a bâclé cette petite œuvre.
Cette soirée du 11 juin sera l’occasion d’une petite épigramme qui courra dans Paris :
« Avec son Opéra Bouffon
L’ami Devisme nous morfond ;
Si c’est ainsi qu’il se propose
D’amuser les Parisiens,
Mieux vaudroit rester porte close
Que de donner si peu de chose
Accompagné de Petits Riens »