8 juin 1794 (ou plutôt 20 prairial an II) : un petit délire montagnard
Instant classique – 8 juin 1794… 75 ans jour pour jour. En mai 1794, Robespierre s’essaie à la philosophie et fait un discours sur les rapports des idées religieuses et de la morale avec les principes de la République.
Il y annonce l’organisation prochaine d’une grande fête consacrée à « l’Être suprême », cette entité qui n’est pas tout à fait Dieu mais pas tout à fait autre chose non plus, issue de la pensée déiste voltairienne notamment. Robespierre cherche à contrecarrer la montée de l’athéisme, incarné par les plus radicaux de ses collègues montagnards, Hébert en tête, qui préféraient le culte de la Raison, inspiré par Diderot. Bref, il fallait quand même à tous ces révolutionnaires à la grosse tête un petit culte (faire un culte de l’athéisme, il fallait quand même y penser !).
Pour préparer cette grande fête robespierriste, il faut un hymne. La Révolution en avait déjà produit des quantités, de la Marseillaise au Chant du départ. Cette fois, point de Rouget de Lisle ou de Méhul, on fait appel à un autre compositeur, fort en Cour avant 1789 et rallié à la Révolution, François-Joseph Gossec. Pour les paroles, Barrère demande au poète André Chénier de les écrire. Mais Robespierre, qui ne va pas tarder à purger les Girondins dont fait partie le poète, refuse ses vers et exige juste avant la cérémonie que quelqu’un d’autre les refasse. Chénier, qui allait être guillotiné quelques semaines plus tard avec les Girondins, aurait peut-être dû sentir le vent mauvais venir.
Ce sera donc Théodore Désorgues, que personne ne connaît et dont personne ne se souvient, qui réécrira le texte… Notre pépère Gossec, lui, avait déjà composé sa partition et prévu une grande version pour chœur et grand orchestre d’harmonie, avec une sorte d’explosion finale propre à exalter les foules, qui pourra chanter l’hymne grâce à une mélodie facile à mémoriser.
On connaît bien le déroulement de cette fête mise en scène par le peintre David, durant laquelle Robespierre brûle pompeusement un monstre, l’Athéisme, entouré de l’Ambition, de l’Égoïsme et de la Fausse simplicité. L’incendie fait comme par miracle apparaître une statue de la Sagesse. Mais Robespierre réussira surtout à unir les sarcastiques qui se moquent de cette cérémonie empruntée et lourdingue.
Je n’ai pas retrouvé la version originale de l’hymne à l’Être suprême, mais en voici une autre interprétation dans laquelle vous n’entendrez nulle explosion, mais un ténor assez approximatif, un chœur honnête mais sans doute très réduit et un orchestre qui ne l’est pas moins. Mais « ma foi », ça vous donnera une idée…