L’Autorité de la concurrence donne raison aux éditeurs de presse contre Google
L’Autorité de la concurrence fait droit aux demandes de mesures conservatoires présentées par les éditeurs de presse et l’AFP. Elle enjoint à Google de négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération qui leur est due pour la reprise de leurs contenus protégés en application de la loi relative aux droits voisins.
Saisie en novembre 2019 par plusieurs syndicats représentant les éditeurs de presse (Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale) ainsi que par l’Agence France-Presse (AFP), en raison des pratiques mises en œuvre par Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins, l’Autorité de la concurrence ordonne des mesures d’urgence dans le cadre de la procédure de mesures conservatoires.
Des mesures provisoires destinées à contrer un abus de position dominante
L’Autorité estime que les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins sont susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portent une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse, ce en imposant « aux éditeurs et agences de presse des conditions de transaction inéquitables en évitant toute forme de négociation et de rémunération ».
L’Autorité ajoute qu’elle a « tenu compte du fait que la nouvelle politique d’affichage de Google a imposé aux acteurs du secteur des conditions de transaction plus défavorables que celles qui préexistaient à l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins, et que celles qui auraient dû résulter d’une négociation de bonne foi ». Selon elle, la contrainte que fait peser Google sur le secteur est rendue possible par sa position dominante « sur le marché des services de recherche généraliste« en France.
Et cette contrainte est très réelle et très concrète : la plupart des éditeurs et agences de presse ont on effet d’ores et déjà accepté les conditions bien peu favorables imposées par Google, craignant que l’entreprise américaine et son fameux moteur de recherche ne réduisent considérablement voire ne suppriment l’accès à leurs contenus disponibles sur ce moteur. Car, de plus en plus, les internautes privilégient l’accès à ces contenus via le titre de l’article référencé sur le moteur de recherche.
De nouvelles négociations dans les trois mois
L’Autorité de la concurrence enjoint ainsi à Google, dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés, donc sur la rémunération due au titre des droits voisins. Ce délai courra à compter de la demande de l’éditeur ou de l’agence de presse.
Cette négociation devra couvrir, de façon rétroactive, les droits dus à compter de l’entrée en vigueur de la loi, intervenue le 24 octobre 2019. Elle ne devra « affecter ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services », et ce jusqu’à ce que l’Autorité rende sa décision sur le fond. Les discussions ne doivent pas non plus « affecter les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs et agences de presse ». Cet encadrement strict de la négociation par l’Autorité de la concurrence vise à éviter que, durant celle-ci, Google use des pouvoirs qu’il détient pour faire pression sur les éditeurs et agences de presse et obtenir d’eux le maintien des conditions très inéquitables qu’il leur a unilatéralement imposées.
Une décision saluée par le ministère de la Culture
La décision « sans ambiguïté » de l’Autorité de la concurrence a aussitôt été saluée par Franck Riester dans un communiqué daté du 9 avril. « Il s’agit d’une étape importante vers la mise en œuvre effective du droit voisin des éditeurs de presse, reconnaît le ministre de la Culture. Bien que voté, certains voulaient que ce droit reste lettre morte. Ils se sont trompés. J’engage tous les acteurs à commencer au plus vite les négociations. Ceux qui utilisent les contenus d’information doivent les rémunérer. Sans cela, il n’est pas de production d’information durable et donc pas de démocratie durable. »
Franck Riester a par ailleurs rappelé que les négociations avaient lieu, non au seul plan national, mais européen. « Ainsi que je l’ai rappelé hier lors de la réunion par visioconférence des 27 ministres de la Culture de l’Union européenne, il nous faut continuer à agir pour promouvoir le modèle européen de régulation du numérique, fondé sur la liberté et la responsabilité, le soutien à la formidable créativité qui s’exprime en ligne et la juste rémunération des créateurs, écrit-il. C’est une question de souveraineté politique, culturelle et économique. »
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