Vidéo. À Poitiers, le bar culturel Plan B fait le choix d’une solidarité qui s’étend…
Le Plan B à Poitiers, c’est non seulement l’un des lieux artistiques les plus intéressants de la ville, mais encore un exemple d’engagement social et solidaire, scellé par la forme juridique de société coopérative ouvrière de production (SCOP*). Julie Reynard, qui collabore par ailleurs chaque année avec quatre compagnies de théâtre, est co-gérante de ce lieu poitevin.
Femme de terrain, elle a achevé l’an dernier l’écriture d’un mémoire sur « la coopérative comme moyen de construire une démocratie culturelle », sous la direction de Jean-François Draperi (CNAM, Paris). Au centre de sa thèse ? L’exemple « de la SCOP le Plan B ou l’affirmation d’une alternative culturelle ». Julie Reynard a rejoint le conseil scientifique du Laboratoire « arts, droits culturels et ESS » lancé par Profession Spectacle au cours du mois de février.
Entretien.
« Une SCOP, c’est une coopérative de travailleurs. Ce sont les Québécois qui l’appellent comme ça, parce que beaucoup plus parlant qu’en français. SCOP, société coopérative ouvrière de production… On aime garder ce nom-là, puisque c’est l’esprit, l’idée étant que ce sont les salariés qui décident de la stratégie de l’entreprise. […] L’idée est que tout le monde soit convaincu quand on prend une décision. Ce n’est pas à la majorité. Tout le monde a la même parole, avec une personne, une voix. »
EXTRAITS
« Le Plan B est un bar culturel et solidaire. Notre activité première est le bar, mais nous avons une programmation très large : concerts, théâtre… Beaucoup d’associations et de collectifs viennent nous voir pour nous parler d’un projet et on essaie de le monter avec eux. On a un café langue des signes, des soirées jeux, des matchs d’impro, des disco-soupes : les gens viennent éplucher des légumes récupérés dans les supermarchés en écoutant de la musique. On essaie plein de choses. C’est très ouvert aux volontés et aux envies du public. »
« Le fait d’être une SCOP a un vrai impact, surtout qu’on est sur le boulevard de la gare. Comme dans beaucoup de villes, les secteurs de gare ne sont pas très développés. Le Plan B a sept ans aujourd’hui, et ça commence à redynamiser le quartier, avec des commerces, des boîtes de nuit, un « escape game »… autant de choses qui, si nous n’avions pas été là, auraient mis plus de temps. »
Un état d’esprit et une volonté de changer à notre échelle la société
« C’est un état d’esprit : vu qu’on travaille en coopération entre nous, on est aussi très ouvert à la coopération avec les autres acteurs de la ville, qui ont peu accès aux salles institutionnelles. On se retrouve ainsi à organiser en coopération des soirées avec d’autres acteurs associatifs. »
« C’est plus une volonté de changer les choses et de changer à notre échelle la société […] C’est un peu un centre socio-culturel 2.0 ou 3.0. […] C’est global. »
Réflexion de fond sur l’expérience pratique
« Vu qu’on est une structure, en coopérative certes, mais privée dans le secteur de la culture, on n’a pas une image de lieu culturel. En réalité, ce que j’ai compris à travers ma recherche universitaire, c’est qu’il faut qu’on s’affirme. On a beau être un petit lieu sans subventions, mine de rien, c’est aussi nous qui faisons la culture à Poitiers. Il faut donc qu’on intègre les réseaux : nous sommes dorénavant membres du Réseau indépendant de la musique (RIM) et du collectif Culture Bar-Bars, nous participons au groupe de travail sur les droits culturels avec Jean-Michel Lucas… »
« Les droits culturels sont une matière à réflexion qui aide à voir les choses différemment. Après, tout est lié. Le travail que l’on a commencé avec Jean-Michel Lucas, à l’initiative de la région Nouvelle-Aquitaine, c’est aussi essayer de changer de paradigme, de logiciel de langage. »
Modèle économique
« C’est une économie assez précaire. Nous n’avons pas encore trouvé réellement la pérennité du projet, alors qu’on a sept ans. On n’est pas sûr à 100 % chaque année que cela fonctionne. Un autre s’est tout de même monté à Niort et un autre à La Rochelle qui, de la même manière, sont dans des économies qui se cherchent encore. Ce n’est pas facilement, honnêtement, sans subventions, juste sur la bière, en sachant qu’il faut se mettre aux normes de plein de choses, qu’on n’a pas de salarié juste pour faire ça… Nous n’avons personne qui passe 35h sur la communication et les dossiers de subvention. Tout ce qui concerne le développement est pris sur notre temps personnel. C’est ce qui est compliqué… et passionnant. »
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER
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