Confins du temps
Chronique des confins (9)
Michel Simonot
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Un jour, une écriture – Le confinement porte en lui-même une intimité, une profondeur dont peuvent se saisir les écrivains et les écrivaines, notamment de théâtre et de poésie. Nous les avons sollicités, afin qu’ils offrent généreusement leurs mots, leur écriture des confins… Derrière l’humour qui inonde les réseaux sociaux, il y aura toujours besoin d’une parole qui porte un désir, une attente, un espoir, du sens.
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Confins, confinement. Croyez-le ou non, avant l’invitation à écrire de Pierre Gelin-Monastier à propos de ces deux termes, je croyais ces vocables opposés. Le confinement c’est l’enfermement, la réclusion. Par contre, les confins, cela m’évoquait, jusque-là, le lointain, le là-bas insaisissable, quasi invisible. Le sans-fin, en quelque sorte. Je n’avais pas réalisé que les confins ont pour synonymes frontière, borne, extrémité, terme. Une limite, ce à quoi l’on se cogne.
Imaginez le trouble, le choc. La réalité me fait atterrir durement. C’est du brutal, comme a dit un tonton flingueur engorgeant cul-sec l’eau de vie frelatée. Pour moi, il y avait du désert dans les confins. Désert, évocation du vide, de la liberté. Là où ou aucun chemin n’est tracé avant que je ne le trace, que j’en décide… Qui ne rêve à l’espace sans fin, libéré de tout obstacle, bref au désert, quand il est assailli de contraintes, quand il ressent l’étouffement des obligations, quand il est confiné ? Et puis, patatras, un psychanalyste de mon proche entourage m’a expliqué que ce rêve de désert est un rêve d’enfermement. Fantasme trompeur. Comme tous les fantasmes.
Moi qui ai publié une pièce qui se passe dans le désert, qu’avais-je donc réellement écrit ?
Une illusion de plus. Il n’y a pas plus limité, clôturé que le désert. Il y a, donc, une parenté entre les confins et le désert. Donc entre confinement et désert.
Le psychanalyste est désenchanteur. Frissons…
Fin de certitude. Début de perplexité. Juste au moment où, confronté comme tout le monde au confinement forcé, j’étais en train de me dire qu’il me fallait, pour me sentir libre contre l’enfermement, trouver le moyen d’abattre les murs, d’ouvrir l’horizon… jusqu’aux confins.
Et le retournement brutal du sens du vocable a aussitôt replanté, redressé autour de moi les murs, les parois que j’avais à peine commencé à légèrement effacer.
Jusqu’à me sentir encore davantage séquestré que dans les instants qui ont précédé la violence de la lucidité. Les confins me sont devenus une impasse.
Me voici maintenant confronté au défi de retrouver comment transformer mes petits mètres carrés en étendues infinies, en forêts infinies, en plages sans horizon…
Si des chemins s’ouvrent à moi, je vous tiens au courant.
Sociologue et dramaturge
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bonjour écrivains, écrivants !
vos cris vains dans le vent, aux confins de vos âmes, me rendent le sourire ; dans mon cœur délivré des paraitres multiples, de la rue aux salons, des plateaux aux coulisses, dans mon cœur enivré, j’écoute les abeilles ; et les fleurs déflorées de leur suc délicat, se penchent en avant, saluant le printemps. Les chemins sont emplis de couples flânant, les routes sont silencieuses au bord des champs verdis. Je vais en rêvant, de la cuisine parfumée à la chambre cocon, de la terrasse sous les roses, au salon musical. L’enfermement donne le temps de l’ennui bienséant, d’où surgissent les rêves, les colères actées, les tristesses diffuses. L’enfermement des corps permet enfin aux âmes de s’échapper plus haut, plus beau, plus grand. Elles se retrouvent dans l’éther, pour chevaucher enfin, les possibles d’amour, oubliés sous le poids de nos pauvres avoirs.
Grand merci pour ces cris dans le vent ; hissons tous la grand-voile de nos présences magnifiques, afin que plus jamais nous ne nous laissions voler nos ailes divines.
Lise Andréa Tur