“Jumbo” : Noémie Merlant passe son amour à la machine… de foire

“Jumbo” : Noémie Merlant passe son amour à la machine… de foire
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Magnifiquement radical dans sa forme, audacieux dans ses choix, drôle et captivant, Jumbo est la belle surprise du moment. Un film qui nous surprend et nous engloutit tout entier dans son univers..

Photo©Caroline Fauvet

Depuis qu’elle est toute petite, Jeanne (Noémie Merlant) est passionnée par la mécanique des manèges et elle ne perd pas une occasion de visiter le parc d’attraction local. Cette année, elle réalise même son rêve puisqu’elle y décroche un job pour ramasser les ordures et passer un coup sur les machines. Le travail se fait de nuit et il lui faut attendre longtemps à l’arrêt de bus pour en revenir mais elle se sent à l’aise au milieu des manèges, et puis ça lui permet de fuir la maison. C’est que la communication n’est pas facile avec sa mère Margarette (Emmanuelle Bercot). Excentrique mangeuse d’homme sans tabou, c’est un peu l’antithèse de Jeanne, plutôt timide, qui passe son temps libre dans sa chambre à confectionner des maquettes de ses attractions favorites. Depuis qu’elle travaille au parc, Jeanne n’a plus d’yeux que pour Jumbo qu’elle se plaît à nettoyer chaque nuit. Quand elle pose ses mains sur ses ampoules et qu’elle lui parle, c’est comme si le temps s’arrêtait. Alors, quand la machine lui répond, c’est tout son cœur qui s’emballe. Mais la société peut-elle accepter cet amour contre-nature ?

Le film débute sur les chapeaux de roue, à peine les personnages introduits que l’on saute dans un bolide jaune à l’allure de vieille américaine qui nous emmène jusqu’au parc d’attraction. On se croirait dans les années quatre-vingt-dix, quelque part aux États-Unis, même si l’action se déroule probablement en Belgique. On suit les premiers pas de Jeanne nettoyant le parc la nuit ; et la réalisatrice de jouer sur notre peur enfantine du noir, quand nous craignions que les voitures du parking ne prennent vie et ne nous écrasent. Le premier contact avec la machine, une lampe qui s’allume, un hasard qui n’en n’est pas un, et petit à petit une véritable communication qui s’installe. Lentement, la machine prend vie, elle communique, et peu importe que l’action soit réelle ou fantasmée, nous glissons dans la peau de Jeanne. Le son nous englobe et l’image entre Pulp, film d’horreur et film d’anticipation nous captive. Le rythme enchaîne les scènes d’immersions fantastiques, presque irrespirables, entre tension et sublimation, et les scènes du réel, du quotidien des relations entre Jeanne et sa mère ou de Jeanne et Marc (Bastien Bouillon), le directeur du parc aux allures de Philippe Candeloro, qui lui fait du gringue de façon peu subtile.

Il y a des films qu’on aime parce qu’ils nous donnent exactement ce qu’on vient y chercher et puis il y a les films qui nous surprennent et nous engloutissent tout entier dans leur univers. Jumbo fait partie de ceux-là, de ces rencontres inattendues qui nous hypnotisent et nous imprègnent longuement après la séance. Comment imaginer un seul instant qu’une histoire d’amour entre une machine de foire et une jeune femme timide puisse être crédible ? Que cette relation puisse être érotique même ? Et pourtant, ça marche. Ça marche parce que la réalisatrice Zoé Wittock ne fait aucune concession sur son univers. Ça marche parce que la jeune femme belge assume pleinement et entièrement sa proposition d’origine, en accompagnant progressivement le spectateur vers sa rencontre du troisième type. Ça marche enfin, parce que le film dessine un propos politique, celui des amours différentes et incomprises, sans se montrer ni moraliste ni insistant, distillant plutôt çà et là les indices subtils qui ne nuisent jamais au déroulé de l’histoire et à son univers propre.

Toujours proche des personnages et de leur ressenti, la caméra nous guide dans toutes les étapes du couple et dans l’incompréhension de l’entourage, sans remettre en question les sentiments de Jeanne. Peu à peu, le propos plus politique se dévoile et le film s’enrichit d’un second niveau de lecture qui ne nuit pas à l’intrigue principale, que la réalisatrice et scénariste mène jusqu’à son terme.  Magnifiquement radical dans sa forme, audacieux dans ses choix, drôle et captivant, Jumbo est la belle surprise du moment.

Gwenaël GERMAIN

 



Zoé Wittock, Jumbo, Belgique – France – Luxembourg, 2020, 93min

Sortie : 18 mars 2020

Genre : drame

Avec Noémie Merlant, Emmanuelle Bercot, Bastien Bouillon, Sam Louwyck, William Abello, Tracy Dossou

Musique : Thomas Roussel

Photographie : Thomas Buelens

Montage : Thomas Fernandez

Distribution : Rezo Films

En savoir plus sur le film avec CCSF : Jumbo

 



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