La progression des plates-formes numériques dans les années à venir
Les plates-formes numériques occupent une place croissante au sein du paysage audiovisuel français. Mais quelle pourrait être leur progression dans les années à venir ?
Plates-formes numériques et audiovisuel français (2/5)
Aujourd’hui chargé de financements au sein de la société de production Ma Drogue à moi (MDAM), Bruno Kowalski a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Jean-Yves Klein (Burgundy School of Business / MECIC), sur le thème : « Dans un marché audiovisuel mondial secoué par l’émergence des technologies digitales, quelle peut être l’avenir des acteurs traditionnels du marché ? » Il propose une synthèse de ses recherches dans une série de cinq articles publiés dans Profession Spectacle.
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Les plates-formes numériques vont accentuer leur présence au sein du paysage audiovisuel français.
L’impact des progrès technologiques sur les capacités de visionnage des systèmes mobiles
Parmi les facteurs qui vont faciliter la progression des plates-formes numériques, on retrouve notamment le niveau de maturité des algorithmes. Ces derniers sont en effet très influents et ajoutent à la pertinence des recommandations de programmes audiovisuels auprès des utilisateurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles les acteurs digitaux investissent massivement dans la technologie. En effet, la capacité à déterminer les préférences des utilisateurs, et donc à anticiper leurs attentes, se révèle être un élément particulièrement différenciateur dans un marché compétitif. Les investissements dans la technologie des intelligences artificielles devraient donc s’accélérer et améliorer toujours plus la puissance de recommandation des algorithmes.
En parallèle, les évolutions technologiques, conduisant à une plus grande efficacité des terminaux mobiles, augmenteront le volume d’informations pouvant être traitées par les plates-formes et amélioreront ainsi la qualité des recommandations proposées par les algorithmes, notamment en matière de contenus audiovisuels.
Au-delà d’une meilleure connaissance des attentes des utilisateurs, les progrès attendus concernant les algorithmes permettront par ailleurs de mieux valoriser les audiences vis-à-vis des annonceurs, et donc de générer plus de ressources publicitaires grâce au ciblage.
Autre progrès déterminant favorisant l’émergence des plates-formes numériques au sein du secteur audiovisuel : la portabilité des systèmes de visionnage. Cette dernière s’améliore en permanence, qu’il s’agisse de la technologie des terminaux ou de la capacité des réseaux à supporter des débits toujours plus élevés. Ces évolutions ouvrent de nouvelles perspectives aux plates-formes de type « réseau social ». À titre d’exemple, Facebook Watch développe de plus en plus son offre de programmes audiovisuels, en diffusion linéaire ou non linéaire.
La part de marché visée par les plates-formes
Fort de ses 130 millions d’abonnés dans le monde en 2018 (150 millions au deuxième trimestre 2019), Reed Hastings, PDG de Netflix, faisait une déclaration révélatrice de ses ambitions internationales dans le journal Le Monde des 13-14 mai 2018 : « Les services gratuits comme Facebook ou YouTube ont de 1 milliard à 2 milliards d’utilisateurs dans le monde, et la télévision payante 700 millions d’abonnés. Nous avons de la marge. » À l’échelon national, on peut estimer les ambitions de Netflix au regard du nombre d’abonnés aux chaînes payantes, ces dernières constituant aujourd’hui les principales concurrentes de la firme américaine sur le territoire français, aux côtés des autres plates-formes VàDA (vidéo à la demande par abonnement).
Concernant le marché global de la VàDA en France, le cabinet d’études anglais, Digital TV Research, a tenté d’estimer l’évolution du marché français de la VàDA d’ici 2023. Ses conclusions sont les suivantes :
– le marché français de la vidéo OTT devrait passer de 1,1 milliard de dollars de recettes en 2017 à 2,7 milliards en 2023 ;
– dans le même temps, le nombre d’abonnés à un service de VàDA en France devrait passer de 4,1 millions en 2017 à 10,4 millions en 2023.
Le cas des plates-formes telles que Facebook et YouTube se révèle bien différent de celui des plates-formes de VàDA. En effet, si le marché de la VàDA est en pleine expansion en France, sous l’impulsion notamment de Netflix, les positions de ces plates-formes gratuites sont déjà bien établies sur le territoire français. À titre d’exemple, Facebook compte 38 millions d’utilisateurs actifs en France, soit plus d’un Français sur deux. L’enjeu pour ces deux représentants des GAFA consiste à convaincre le plus grand nombre possible d’utilisateurs à leur service gratuit de s’abonner à leurs services premium, Facebook Watch et YouTube Premium.
Un contexte de concurrence exacerbée
Mais si la part de marché des plates-formes est en croissance, elle sera néanmoins limitée par la dimension sociale de la consommation de contenu audiovisuel. En effet, au-delà du flux permanent d’innovations, les positions des acteurs de l’économie numérique peuvent également, dans une certaine mesure, être fragilisées du fait de leur forte dépendance au comportement des utilisateurs. Les offres numériques viennent notamment s’additionner aux offres existantes des diffuseurs traditionnels qui, s’ils n’ont pas jusqu’ici profité de manière équivalente des avancées technologiques des GAFA, ont su développer des offres locales qui ont trouvé leur public.
Par ailleurs, en ce qui concerne les offres VàDA, la question du nombre moyen d’abonnements par foyer va très vite dimensionner le marché français, et donc le nombre de compétiteurs optimal en vue d’une stabilisation du marché. Au premier trimestre 2018, ce nombre était de 1,54 traduisant le caractère récent de l’arrivée du « streaming » au sein de l’audiovisuel français, en comparaison de certains territoires plus matures (2,79 pour le marché américain et autour de 2 pour certains voisins européens).
Ce contexte de concurrence exacerbée va fournir aux consommateurs une large gamme de choix parmi les différentes offres de visionnage de contenus audiovisuels. Et si les différents diffuseurs devraient avoir une marge de manœuvre limitée concernant leur tarification, du fait de la profusion d’offres compétitives, c’est bien l’adhésion des utilisateurs et le succès des programmes qui fera la différence pour, à termes, permettre une consolidation du marché.
Article déjà paru :
1/5. L’entrée fracassante des plates-formes numériques dans l’audiovisuel français
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En partenariat avec le MECIC / Burgundy School of Business de Dijon