30 janvier 1838 : “Maria de Rudenz”, un calvaire de Donizetti
Instant classique – 30 janvier 1838… 182 ans jour pour jour. Pour célébrer la réouverture de la Fenice après l’incendie de 1836, on commande à Donizetti un nouvel opéra, qui prend sa source dans un roman de Matthew Gregory Lewis, Le Moine, transformé en pièce de théâtre par Anicet Bourgeois à Paris sous le titre alléchant de La Nonne sanglante (il faudrait quand même savoir si c’est un moine ou une nonne, hein).
Lorsqu’il se met à la composition de la partition, rebaptisée Maria de Rudenz, sans doute pour ménager le suspense, Gaetano Donizetti est ravagé par une dépression profonde. Il vient d’écrire Roberto Devereux dans des conditions épouvantables, puisqu’il avait perdu coup sur coup son plus jeune fils, à qui son épouse Virginia venait de donner le jour avant de mourir elle même fin juillet 1837, cette disparition s’ajoutant à celle de ses précédents enfants et de ses parents.
Le compositeur est anéanti et, après un moment de doute, compose Roberto Devereux comme pour sauver sa propre vie.
Dans ces conditions, sa Maria de Rudenz, déjà plombée par un livret totalement improbable et d’une noirceur rare de Salvatore Cammarano, peine à éclore. Donizetti y projette tout son malheur, rendant l’œuvre encore plus sombre. D’ailleurs, tout le monde ou presque y passe, faisant dire à Adolphe Nourrit, qui sera présent à la création et qui ne ménagera pas l’œuvre, qu’il s’agit là d’une « abominable boucherie », puisqu’il ne reste quasiment aucun protagoniste en vie à la fin.
Tant de tragique indispose le public vénitien venu fêter la réouverture de son bel opéra. Maria de Rudenz ne passe pas le cap de la soirée de création et est remplacé par une reprise de Parisina, composé plusieurs années auparavant, dès le lendemain.
Donizetti ne reviendra jamais à Venise et son œuvre restera pourtant à l’affiche de loin en loin, pour revenir sur les lieux de sa création en 1980, avec Katia Ricciarelli dans le rôle-titre. C’est le témoignage de cette production qui vous est proposé ici, avec le finale de l’acte I, typiquement donizettien, hélas un peu gâché par une captation médiocre.