9 janvier 1904 : “Quand on n’a pas le moyen de se payer des voyages, il faut suppléer par l’imagination”
Instant classique – 9 janvier 1904… 116 ans jour pour jour. Ainsi Debussy décrit-il à son ami André Messager le sens de sa nouvelle partition, achevée en septembre 1903, qu’il intitule Estampes. Ces trois courtes pièces pour piano seul sont bel et bien un voyage en elles-mêmes.
On passe d’abord au milieu des pagodes, même s’il apparaît en réalité que Claude Debussy ait été plutôt fortement impressionné par le pavillon javanais lors de l’Exposition universelle de 1889 et qu’il a plutôt pensé à ça. Nous voici ensuite transportés à Grenade, où Debussy n’a pas davantage mis les pieds qu’à Bali, pour une soirée sensuelle et entêtante.
Ce n’est pas le moindre des compliments de voir Manuel de Falla, né à Cadix, écrire à propos de cette pièce : « C’est bien l’Andalousie qu’on nous présente : la vérité sans l’authenticité, pourrions nous dire, étant donné qu’il n’y a pas une mesure directement empruntée au folklore espagnol et que, nonobstant, tout le morceau, jusque dans ses moindres détails, fait sentir l’Espagne. » Et enfin, un peu de fraîcheur avec les jardins sous la pluie, dernier morceau de ces Estampes.
Vous y entendrez tout ce qu’on peut entendre dans un jardin sous la pluie : les gouttes, les chants d’oiseaux et d’enfants (écoutez bien, vous avez des brins de « Nous n’irons plus au bois »), ce qui est peu ou prou la même chose…
Le morceau sera bissé lors de la création, triomphale, le 9 janvier 1904, par l’incontournable Riccardo Viñes, salle Erard à Paris. C’est peu dire qu’on n’a qu’à fermer les yeux lorsqu’on écoute cette interprétation habitée de Richter en public en 1977. Hélas, quelques bruits parasites et autres tuberculeux vous rappelleront que vous n’êtes pas seul au paradis des sons, mais ce serait dommage de ne pas en profiter quand même !