RIP. Harry Dean Stanton, l’errant amnésique du magnifique « Paris, Texas » de Wim Wenders
Harry Dean Stanton, l’errant amnésique de Paris, Texas et héros de la série Big Love, impressionnant acteur au visage en lame de couteau et au regard triste, est décédé vendredi à l’âge de 91 ans, après quelque 250 films. Il s’était surtout distingué dans des seconds rôles, à quelques exceptions près : son inoubliable performance d’un père amnésique dans Paris, Texas valut à Wim Wenders la palme d’or cannoise en 1984.
[avec AFP]
Né le 14 juillet 1926 dans le Kentucky, il était l’aîné d’une fratrie de trois enfants d’une mère coiffeuse et d’un père baptiste, cultivateur de tabac, qui ne s’entendaient pas : « Ma mère voulait quitter le nid familial. Je ne pense pas qu’ils aient eu une belle nuit de noce, et j’en suis le fruit. Nous n’étions pas proches. Je crois qu’elle m’en voulait ». Il réussira à verbaliser sa peine grâce à une thérapie de groupe : « Je l’ai appelée une nuit pour lui dire combien je la détestais. Et puis nous nous sommes réconciliés, peu avant sa mort ».
Un visage effilé pour des sales types ou de pauvres hères
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert comme cuistot sur un navire de la Marine dans le Pacifique pendant la bataille d’Okinawa. « J’ai connu les kamikazes japonais mais j’ai eu la chance de ne pas être tué. La plupart des acteurs n’ont pas eu cette expérience ». À son retour, il s’inscrit à l’université du Kentucky puis s’établit à Los Angeles et fait ses débuts comme acteur en 1957.
Il enchaîne alors une centaine de rôles dans des mauvais westerns et des intrigues policières, principalement pour la télévision. Avec ses pommettes saillantes et ses yeux cernés, on le cantonne aux rôles de sales types ou de pauvres hères : « Pendant des années, on m’a proposé des jobs de tueurs de flics. J’étais complètement crédible… C’est ça qui m’a lancé… Mais c’est frustrant ! C’est terrible de jouer les mêmes émotions encore et toujours ! »
De Jack Nicholson à Martin Scorsese et Francis Ford Coppola : la reconnaissance
C’est Jack Nicholson qui l’arrache à ces rôles un peu miteux en lui offrant en 1966 la tête d’affiche de son western L’ouragan de la vengeance. Par la suite, on lui propose des personnages plus consistants comme dans Luke la main froide (1967), aux côtés de Paul Newman.
Il a 56 ans quand Wim Wenders lui offre le rôle de sa vie dans Paris, Texas, un road-movie où il incarne un homme qui réapparaît subitement après quatre années d’errance. Il partage des scènes d’anthologie avec une vibrante Nastassja Kinski.
Gangster miteux dans Le Récidiviste, New York 1997, mécanicien râleur dans Alien, le huitième passager, faux évangéliste dans Le Malin : avec sa silhouette filiforme et sa gueule de faux dur, Harry Dean Stanton a joué les seconds rôles essentiels d’à peu près tous les gros coups d’Hollywood. Grand ami de Jack Nicholson, Sean Penn et Marlon Brandon, ce fumeur trompe-la-mort a travaillé avec Martin Scorsese (La dernière tentation du Christ), et Francis Ford Coppola (Coup de cœur, Le Parrain).
À l’harmonica avec Bob Dylan et Kris Kristofferson
Excellent joueur d’harmonica, il aimait également chanter le blues avec Bob Dylan et Kris Kristofferson ainsi que le répertoire mariachi qu’il interprétait jusqu’à la fin de sa vie d’une voix chaude et chevrotante.
Au début des années 2000, il avait crevé le petit écran en incarnant le chef d’une secte polygame pendant quatre saisons dans la série Big Love.
L’une de ses toutes dernières apparitions à l’écran, Lucky, le voyage spirituel d’un athée avec David Lynch, sortira fin septembre aux États-Unis et en décembre en France. Il y incarne avec tendresse et mélancolie un nonagénaire qui fume un paquet de cigarette par jour, passe ses matinées dans des dîners et ses après-midi devant des jeux télévisés.
Hommages multiples
David Lynch, qui l’avait filmé dans la série culte Twin Peaks, dans Sailor et Lula et Une histoire vraie, a été l’un des premiers à rendre hommage à l’un de ses interprètes fétiches.
Traduction – « Le magnifique Harry Dean Stanton nous a quittés. […] Il n’y a personne comme Harry Dean. Tout le monde l’aimait. Et pour cause. Il était un excellent acteur (au-delà d’excellent en réalité) – et un être humain formidable – si fantastique d’être près de lui !!! Tu vas vraiment nous manquer, Harry Dean… »
La comédienne Olivia Wilde ou encore Mark Hamill, fameux pour avoir incarné Luke Skywalker, sont également allés de leur hommage sur leurs comptes Twitter.
Vanessa LUDIER