Du rap à la littérature, Gaël Faye excelle sur toute la ligne
« Le rap, la chanson, la poésie, la littérature, au fond il s’agit juste d’écriture » : rappeur soudainement passé à la notoriété grâce à Petit pays, son premier roman primé, avec 340 000 exemplaires vendus, Gaël Faye a conquis le public au Printemps de Bourges, en concert puis en lecture musicale.
[avec AFP]
Le Franco-Rwandais est arrivé à Bourges épuisé : depuis sept mois et la sortie de ce livre, récompensé par plusieurs prix (Premier roman français, roman Fnac, Goncourt des lycéens…), il n’a refusé aucune sollicitation, ni celles des médias ni celles des lecteurs, en librairies, dans des écoles.
Chanson et roman : un même acte d’écriture
Dans le même temps, il a continué à travailler. Il est revenu à ce pour quoi il était d’abord connu, certes à moindre échelle : le rap. Il a enregistré un mini-album de cinq chansons Rythmes et botaniques, sorti ce mois-ci, et assuré des concerts.
À Bourges, il lui a été proposé de s’exprimer dans ses deux domaines artistiques. Ce qui tombait bien, car il ne voulait pas choisir. « Que ce soit la chanson ou le roman, l’acte est un acte d’écriture. C’est l’énergie qu’on y met et la forme qui diffèrent », dit-il.
Percutant, entraînant, il l’a été jeudi à la Halle au Blé pour son concert de hip hop aux relents soul, qui font son style. « C’était mon troisième passage ici. Bien meilleur que les deux premiers. Je crois que je m’affirme un peu plus. Et puis je suis avec la même équipe depuis sept, huit ans, on commence à avoir un son de groupe. Je m’autorise plus facilement le lâcher prise ».
Nécessité de la transmission
Bien plus en retenue, il a néanmoins transmis une même chaleur vendredi soir, dans le cadre quasi religieux du palais Jacques Cœur, à un auditoire posé et attentif, qui a bu ses mots avec émotion. Des mots quasiment tous issus de Petit pays, ce récit dans lequel Gaël Faye a voulu ressusciter « le monde de l’enfance qui avait précédé la guerre » civile, au Burundi et au Rwanda dans les années 1990, et qui a mis fin à sa propre insouciance. Le jeune homme arrive alors en France à 13 ans, en 1995.
« Je ne pensais pas que ce serait si particulier. Quand on écrit une chanson, on a conscience qu’on va la chanter. Quand on écrit un roman, on ne se dit pas qu’on va revivre cette émotion du moment. Ce n’est pas évident, il y a des passages drôles, mais il y a aussi des parties du roman émotionnellement très difficiles, notamment sur le génocide. J’ai du mal à les lire, mais il y a la nécessité de transmettre. »
Solitude de l’écriture et création collective
La dichotomie entre musique et littérature, Gaël Faye, la vit agréablement. « Le roman, c’est quelque chose de très solitaire, alors que les chansons, c’est un travail de groupe avec des musiciens. C’est plaisant. On a tous besoin à certains instants de solitude et à d’autres de sociabilité. Ces deux formes me permettent d’osciller entre ces deux états. »
Sa vie oscille également entre deux États. Le Rwanda, où il vit depuis deux ans avec sa femme et ses deux enfants, et la France où sa popularité s’accroît. « Je n’ai pas pris la mesure de ce qui s’est passé, avoue-t-il. Petit pays a vécu sans moi, alors que pour un album, on a les concerts, on voit les salles s’agrandir. À un moment, je m’arrêterai, je prendrai du temps, parce que je n’ai pas envie d’occuper le terrain en permanence. Mais j’ai encore envie de dire des choses. » Et il y a un public croissant pour avoir envie de les écouter.
Vanessa LUDIER
Photo de Une : Thesupermat.